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seconde patrie.

houle ne fait pas plus de bruit que si on lui eût filé de l’huile !»

Le jeune homme n’ajouta pas un mot et se rassit, les deux bras ramenés sur sa poitrine.

En cet instant, un des passagers reprit place sur un des bancs, et, après un geste de désespoir, il s’écria :

« Oui, c’est à désirer que cette chaloupe soit défoncée d’un coup de mer… qu’elle nous engloutisse tous avec elle plutôt que d’être livrés aux horreurs de la faim !… Demain, nous aurons épuisé nos dernières provisions !… Il ne nous restera plus rien…

– Demain… c’est demain, monsieur Wolston… répliqua le bosseman. Si la chaloupe chavirait, il n’y aurait plus de demain… et tant qu’il y a demain…

– John Block a bien parlé, répondit son jeune compagnon… Il ne faut pas désespérer, James !… Quelques dangers qui nous menacent, nos jours appartiennent à Dieu, qui seul en dispose comme il lui convient… Sa main est dans tout ce qui arrive, et il ne nous est pas permis de dire qu’il l’a retirée de nous…

– Oui… murmura James en baissant la tête, mais on n’est pas toujours maître… »

À ce moment, un autre passager, âgé d’une trentaine d’années, – celui qui se tenait à l’avant de l’embarcation, – s’approcha de John Block et dit :

« Bosseman, depuis que notre infortuné capi-