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seconde patrie.


Rien… on n’entendait rien de ces longs et sourds roulements de la mer, lorsqu’elle se brise contre un semis de roches ou déferle sur une grève.

Il convenait donc d’agir avec une extrême prudence. C’est pourquoi, vers cinq heures et demie, le bosseman donna l’ordre d’amener la misaine. Quant au foc, il resta bordé, afin d’aider à l’action de la barre.

Rien de plus sage, en effet, que de modérer la vitesse de la chaloupe tant que la situation ne serait pas déterminée avec exactitude, et elle ne saurait l’être qu’à l’instant où l’on apercevrait la terre.

Il est vrai, la nuit venue, au milieu d’une obscurité profonde, quel danger ne courait-on pas à s’aventurer dans le voisinage d’une côte ? À défaut de vent, les contre-courants menaceraient d’y drosser. En de telles conditions, un navire n’eût pas attendu le soir pour chercher la sécurité de la pleine mer, à regagner le large. Mais ce qui est facilement exécutable pour un bâtiment ne l’est pas pour une simple embarcation. Louvoyer contre le vent du sud qui fraîchissait, c’eût été, sans parler de rudes fatigues, s’exposer à trop s’éloigner…

L’embarcation resta donc rien qu’avec son foc, se déplaçant à peine, cap au nord.

Enfin toute erreur, toute hésitation disparut, lorsque, vers six heures du soir, le soleil se montra un instant avant de disparaître sous les flots.