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un billet de loterie.

la tâche qu’il s’était donnée de conserver un peu d’espoir. Hulda et Joël ne quittaient le seuil de la maison que pour aller regarder du côté de Mœl, ou pour s’avancer sur la route du Rjukanfos. Ole Kamp devait venir par Bergen ; mais il pouvait se faire qu’il arrivât aussi par Christiania, si la destination du Viken avait été modifiée. Un bruit de kariol qui se faisait entendre sous les arbres, un cri jeté dans les airs, l’ombre d’un homme se dessinant au tournant du chemin, cela leur faisait battre le cœur, mais inutilement ! Les gens de Dal veillaient de leur côté. Ils allaient au-devant du courrier, en amont et en aval du Maan. Tous s’intéressaient à cette famille si aimée dans le pays, à ce pauvre Ole qui était presque un enfant du Telemark. Et pas une lettre ne venait de Bergen ou de Christiania apporter quelque nouvelle de l’absent !

Le 16, rien de nouveau. Sylvius Hog ne pouvait plus tenir en place. Il comprit qu’il fallait donner de sa personne. Aussi annonça-t-il que, le lendemain, s’il n’avait rien reçu, il partirait pour Christiania et s’assurerait par lui-même que les recherches étaient activement faites. Certes ! il lui en coûterait de laisser Hulda et Joël ; mais il le fallait, et il reviendrait, dès qu’il aurait achevé ses démarches.

Le 17, une grande partie du jour s’était déjà écoulée – le plus triste de tous, peut-être ! La pluie n’avait cessé de tomber depuis l’aube. Le vent se déchaînait à travers les arbres. De grands coups de rafale crépitaient sur les vitraux des fenêtres du côté du Maan.

Il était sept heures. On venait d’achever le dîner, en silence, comme dans une maison en deuil. Sylvius Hog n’avait même pu soutenir la conversation. Les paroles lui manquaient avec les idées. Qu’aurait-il dit qui ne l’eût été cent fois déjà ! Ne sentait-il pas que cette prolongation d’absence rendait inacceptables ses arguments d’autrefois ?

« Je partirai demain matin pour Christiania, dit-il. Joël, occupez-vous de me procurer une kariol. Vous me conduirez à Mœl, et vous reviendrez aussitôt à Dal !

– Oui, monsieur Sylvius, répondit Joël. Vous ne voulez pas que je vous accompagne plus loin ? »