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le numéro 9672.

Aussi, qu’on n’en soit pas surpris, arriva-t-il à Dal, un peu de partout, de très sérieuses propositions d’acheter ce billet, si Hulda Hansen consentait à le vendre. Tout d’abord, les prix offerts étaient médiocres ; mais ils s’élevèrent de jour en jour. On pouvait donc prévoir qu’avec le temps et à mesure que se rapprocherait le jour du tirage de la loterie, il se présenterait de sérieuses surenchères.

Ces offres se manifestèrent non seulement en ces pays scandinaves, si portés à reconnaître l’intervention des puissances surnaturelles dans les choses de ce monde, mais aussi à l’étranger et même en France. Les Anglais, très flegmatiquement, s’en mêlèrent, et, après eux, les Américains, dont les dollars ne se dépensent pas volontiers à des fantaisies si peu pratiques. Une certaine quantité de lettres furent adressées à Dal. Les journaux ne négligèrent pas de faire connaître l’importance des propositions faites à la famille Hansen. On peut dire qu’il s’établit une sorte de petite bourse, dont la cote variait, mais toujours en hausse.

Aussi en vint-on à offrir plusieurs centaines de marks de ce billet, qui, en somme, n’avait qu’un millionième de chance pour gagner le gros lot. C’était absurde, sans doute, mais on ne raisonne pas avec les idées superstitieuses. Aussi les imaginations se montaient-elles, et, avec la force acquise, elles pouvaient, elles devaient aller plus haut.

C’est ce qui se produisit, en effet. Huit jours après cet événement, les journaux annonçaient que le cours du billet dépassait mille, quinze cents, et même deux mille marks. Un Anglais, de Manchester, était allé jusqu’à cent livres sterling, soit deux mille cinq cents marks. Un Américain, de Boston, renchérit encore, et proposa d’acquérir le numéro 9672 de la loterie des Écoles de Christiania pour la somme de mille dollars – environ cinq mille francs.

Il va sans dire que Hulda ne se préoccupait aucunement de ce qui passionnait à ce point un certain public. De ces lettres arrivées à Dal, au sujet du billet, elle n’avait même pas voulu prendre connaissance. Cependant, le professeur fut d’avis qu’on ne pouvait lui laisser ignorer quelles propositions étaient faites, puisque Ole Kamp lui avait légué la propriété de ce numéro 9672.