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le numéro 9672.

à la place de son cousin. Mais il fallait quelque argent pour les débuts du nouveau ménage. Or, dame Hansen n’ayant pris aucun engagement, Joël avait compris qu’elle ne pouvait rien distraire du bien de famille. Ole avait donc dû s’en aller au loin, de l’autre côté de l’Atlantique. Joël l’avait conduit jusqu’aux dernières limites de leur vallée, sur la route de Bergen. Là, après l’avoir longtemps serré dans ses bras, il lui avait souhaité bon voyage et heureux retour. Puis, il était revenu consoler sa sœur qu’il aimait d’un amour à la fois fraternel et paternel.

Hulda, à cette époque, avait dix-huit ans. Ce n’était pas la « piga », ainsi qu’on appelle la servante dans les auberges norvégiennes, mais plutôt la « fraken », la miss des Anglais, « la mademoiselle », comme sa mère était « la madame » de la maison. Quel charmant visage, encadré de cheveux blonds, un peu dorés, sous un léger bonnet de linge, dégagé en arrière pour laisser tomber de longues nattes ! Quelle jolie taille sous ce corsage d’étoffe rouge à lisérés verts, bien ajusté au buste, entrouvert sur le plastron, orné de broderies en couleurs, surmonté de la chemisette blanche dont les manches venaient se serrer aux poignets par un bracelet de rubans ! Quelle gracieuse tournure sous le ceinturon rouge à fermoirs d’argent filigrané, qui retenait la jupe verdâtre, doublée du tablier à losanges multicolores, et sous lequel apparaissait le bas blanc, engagé dans cette fine chaussure du Telemark, effilée à sa pointe.

Oui ! la fiancée de Ole était charmante avec cette physionomie un peu mélancolique des filles du Nord, mais souriante aussi. En la voyant, on songeait volontiers à cette Hulda la Blonde, dont elle portait le nom, et que la mythologie scandinave laisse errer, comme la fée heureuse, autour du foyer domestique.

Sa réserve de fille modeste et sage ne lui ôtait rien de la grâce avec laquelle elle accueillait les hôtes d’un jour qui s’arrêtaient à l’auberge de Dal. On le savait dans le monde des touristes. N’était-ce pas déjà une attraction de pouvoir échanger avec Hulda le « shake-hand », cette cordiale poignée de main qui se donne à tous et à toutes ?

Et, après lui avoir dit :