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un billet de loterie.

Tantôt il disparaissait sous l’épaisse ramure des pins, des bouleaux et des hêtres dont ces croupes sont hérissées. Enfin, il atteignit la rive opposée et se jeta dans le petit bac. En quelques coups d’aviron, il eut franchi les violents remous du cours d’eau. Puis, sautant sur la berge, il fut près de sa sœur.

« Ole est-il de retour ? » demanda-t-il.

C’est à Ole qu’il pensa tout d’abord. Mais sa demande fut laissée sans réponse.

« Pas de lettre de lui ?

– Pas une ! »

Et Hulda s’abandonna à ses larmes.

« Non, s’écria Joël, ne pleure pas, chère sœur, ne pleure pas !… Tu me fais trop de mal !… Je ne peux pas te voir pleurer !… Voyons ! Tu dis : pas de lettre !… Évidemment, cela commence à devenir inquiétant ! Mais il n’y a pas encore lieu de se désespérer ! Tiens, si tu veux, je vais aller à Bergen. Je m’informerai… Je verrai messieurs Help frères. Peut-être ont-ils des nouvelles de Terre-Neuve. Pourquoi le Viken n’aurait-il pas relâché en quelque port pour cause d’avaries ou par la nécessité de fuir devant le mauvais temps ? Il est certain que le vent souffle en bourrasque depuis plus d’une semaine. Quelquefois on a vu des navires du New Found Land se réfugier en Islande ou aux Feroë. C’est même arrivé à Ole, il y a deux ans, quand il était à bord du Strenna. Et on n’a pas tous les jours des courriers pour écrire ! Je te dis cela comme je le pense, petite sœur. Calme-toi !… Si tu me fais pleurer, qu’est-ce que nous deviendrons ?

– C’est plus fort que moi, frère !

– Hulda !… Hulda !… Ne perds pas courage !… Je t’assure que, moi, je ne suis pas désespéré !

– Dois-je te croire, Joël ?

– Oui, tu le dois ! Mais, pour te rassurer, veux-tu que je parte pour Bergen, demain matin… ce soir ?…

– Je ne veux pas que tu me quittes !… Non !… Je ne le veux pas ! » répondit Hulda, en s’attachant à son frère comme si elle n’avait plus que lui au monde.