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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

De gros orages éclatèrent aussi, qui inquiétèrent très sérieusement Dick Sand. Deux ou trois fois la foudre frappa les lames à quelques encâblures du navire seulement. Puis, la pluie tomba à torrents, et il se fit de ces tourbillons de vapeurs à demi condensées qui entourèrent le Pilgrim d’un épais brouillard.

Pendant des heures entières, l’homme de vigie n’avait plus aucune vue, et l’on marchait à l’aventure.

Bien que le bâtiment, quoique fortement appuyé sur les lames, fût horriblement secoué, Mrs Weldon, heureusement, supportait ce roulis et ce tangage sans en être incommodée. Mais son petit garçon fut très éprouvé, et elle dut lui donner tous ses soins.

Quant au cousin Bénédict, il n’était pas plus malade que les blattes américaines, dont il faisait sa société, et il passait son temps à étudier, comme s’il eût été tranquillement installé dans son cabinet de San-Francisco.

Très heureusement aussi, Tom et ses compagnons se trouvèrent peu sensibles au mal de mer, et ils purent continuer à venir en aide au jeune novice, — absolument habitué, lui, à tous ces mouvements désordonnés d’un navire qui fuit devant le temps.

Le Pilgrim courait rapidement sous cette voilure réduite, et déjà Dick Sand prévoyait qu’il faudrait la réduire encore. Mais il voulait tenir bon, tant qu’il serait possible de le faire sans danger. Suivant son estime, la côte ne devait plus être éloignée. On veillait donc avec soin. Toutefois, le novice ne pouvait guère se fier aux yeux de ses compagnons pour découvrir les premiers indices de la terre. En effet, quelque bonne vue qu’il ait, celui qui n’est pas habitué à interroger les horizons de mer est inhabile à démêler les premiers contours d’une côte, surtout au milieu des brumes. Aussi, Dick Sand dut-il veiller lui-même, et souvent montait-il jusque dans les barres, pour mieux voir. Mais rien n’apparaissait encore du littoral américain.

Ceci l’étonnait, et Mrs Weldon, à quelques mots qui lui échappèrent, comprit cet étonnement.

C’était le 9 mars. Le novice se tenait à l’avant, tantôt observant la mer et le ciel, tantôt regardant la mâture du Pilgrim qui commençait à fatiguer sous la force du vent.

« Tu ne vois rien encore, Dick ? lui demanda-t-elle, à un moment où il venait d’abandonner la longue-vue.

— Rien, mistress Weldon, rien, répondit le novice, et, cependant, l’horizon semble se dégager un peu sous ce vent violent qui va fraîchir encore.