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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Mais il fallait visiter cette coque, avant que la mer vînt achever de la démolir.

Dick Sand et les noirs purent aisément s’introduire à l’intérieur, après s’être hissés sur le pont, au moyen des manœuvres qui pendaient sur le flanc du Pilgrim. Tandis que Tom, Hercule, Bat et Austin s’occupaient de retirer de la cambuse tout ce qui pouvait être utile, tant en comestibles qu’en liquides, le novice pénétra dans le carré. Grâce à Dieu, l’eau n’avait point fait irruption jusqu’à cette partie du bâtiment, dont l’arrière était resté émergé après l’échouage.

Là, Dick Sand trouva quatre fusils en bon état, — excellents remingtons de la fabrique de Purdey and Co., — ainsi qu’une centaine de cartouches, soigneusement serrées dans leurs cartouchières. C’était de quoi armer sa petite troupe et la mettre en état de résister, si, contre toute prévision, des Indiens l’attaquaient en route.

Le novice ne négligea pas non plus de prendre une lanterne de poche ; mais les cartes du bord, déposées dans le poste de l’avant et avariées par l’eau, étaient hors d’usage.

Il y avait aussi, dans l’arsenal du Pilgrim, quelques-uns de ces solides coutelas qui servent à dépecer la baleine. Dick Sand en choisit six, destinés à compléter l’armement de ses compagnons, et il n’oublia pas d’emporter un inoffensif fusil d’enfant qui appartenait au petit Jack.

Quant aux autres objets que renfermait encore le navire, ou ils avaient été dispersés, ou ils ne pouvaient plus servir. D’ailleurs, il était inutile de se charger outre mesure, pour les quelques jours que durerait le voyage. En vivres, en armes, en munitions, on était plus que pourvu. Cependant, Dick Sand, sur l’avis de Mrs Weldon, ne négligea pas de prendre tout l’argent qui se trouvait à bord, — environ cinq cents dollars.

C’était peu, en vérité ! Mrs Weldon avait emporté une somme supérieure à celle-ci, et elle ne se retrouvait pas.

Qui donc, si ce n’est Negoro, avait pu prendre les devants dans cette visite au navire et faire main basse sur la réserve du capitaine Hull et de Mrs Weldon ? Nul que lui, à coup sûr, ne pouvait être soupçonné. Toutefois Dick Sand hésita un instant. Ce qu’il savait et ce qu’il entrevoyait de lui, c’est qu’on devait tout craindre de cette nature concentrée, à qui le mal d’autrui pouvait arracher un sourire ! Oui, Negoro était un être méchant, mais fallait-il en conclure qu’il fût un malfaiteur ? Il en coûtait au caractère de Dick Sand d’aller jusque-là. Et cependant, les soupçons pouvaient-ils s’arrêter sur un autre ? Non ! ces braves nègres n’avaient pas quitté un instant la grotte, tandis que Negoro avait erré