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CENT MILLES EN DIX JOURS

facile de se méprendre. Qu’il s’agisse d’un bec ou d’un museau, tous deux n’en sont pas moins emmanchés au bout d’un long cou renversé en arrière, et, à la rigueur, on peut dire qu’une autruche n’est qu’une demi-girafe. Il ne lui manque que les pattes de derrière. Donc, ce bipède et ce quadrupède, passant à l’improviste rapidement, peuvent, à la grande rigueur, être pris l’un pour l’autre.

D’ailleurs, la meilleure preuve que Mrs Weldon et les autres se trompaient, c’est qu’il n’y a pas de girafes en Amérique.

Dick Sand fit alors cette réflexion :

« Mais je croyais que les autruches ne se rencontraient pas plus que les girafes dans le Nouveau-Monde ?

— Si, mon jeune ami, répondit Harris, et précisément l’Amérique du Sud en possède une espèce particulière. À cette espèce appartient le « nandou », que vous venez de voir ! »

Harris disait vrai.

Le nandou est un échassier assez commun dans les plaines du Sud-Amérique, et sa chair, lorsqu’il est jeune, est bonne à manger. Cet animal robuste, dont la taille dépasse quelquefois deux mètres, a le bec droit, les ailes longues et formées de plumes touffues de nuance bleuâtre, les pieds formés de trois doigts munis d’ongles, — ce qui le distingue essentiellement des autruches de l’Afrique.

Ces détails, très exacts, furent donnés par Harris, qui paraissait être fort au courant des mœurs des nandous. Mrs Weldon et ses compagnons durent convenir qu’ils s’étaient trompés.

« D’ailleurs, ajouta Harris, il est possible que nous rencontrions une autre bande de ces autruches. Eh bien, cette fois, regardez mieux, et ne vous exposez plus à prendre des oiseaux pour des quadrupèdes ! Mais surtout, mon jeune ami, n’oubliez pas mes recommandations, et ne tirez plus sur quelque animal que ce soit ! Nous n’avons pas besoin de chasser pour nous procurer des vivres, et, je le répète, il ne faut pas que la détonation d’une arme à feu signale notre présence dans cette forêt. »

Dick Sand, cependant, demeurait pensif. Une fois encore, un doute venait de se faire dans son esprit.

Le lendemain, 17 avril, la marche fut reprise, et l’Américain affirma que vingt-quatre heures ne se passeraient pas sans que la petite troupe fût installée dans l’hacienda de San-Felice.

« Là, mistress Weldon, ajouta-t-il, vous recevrez tous les soins nécessaires à votre position, et quelques jours de repos vous remettront tout à fait. Peut-