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CENT MILLES EN DIX JOURS

Cette dernière journée de voyage s’écoula sans autre incident.

Le soir arriva, et la halte fut organisée pour la nuit comme d’habitude. Jusqu’alors, il n’avait pas plu, mais le temps se préparait à changer, car une buée chaude s’éleva du sol et forma bientôt un épais brouillard.

On touchait, en effet, à la saison des pluies. Heureusement, le lendemain, un confortable abri serait hospitalièrement offert à la petite troupe. Ce n’étaient plus que quelques heures à passer.

Bien que, selon Harris, qui ne pouvait établir son calcul que d’après le temps qu’avait duré le voyage, on ne dût plus être qu’à six milles de l’hacienda, les précautions ordinaires furent prises pour la nuit. Tom et ses compagnons durent veiller l’un après l’autre. Dick Sand tint à ce que rien ne fût négligé à cet égard. Moins que jamais, il ne voulut se départir de sa prudence habituelle, car un terrible soupçon s’incrustait dans son esprit ; mais il ne voulait rien dire encore.

La couchée avait été faite au pied d’un bouquet de grands arbres. La fatigue aidant, Mrs Weldon et les siens dormaient déjà, lorsqu’ils furent réveillés par un grand cri.

« Eh ! qu’y a-t-il ? demanda vivement Dick Sand, qui fut debout, le premier de tous.

— C’est moi ! c’est moi qui ai crié ! répondit cousin Bénédict.

— Et qu’avez-vous ? demanda Mrs Weldon.

— Je viens d’être mordu !

— Par un serpent ?… demanda avec effroi Mrs Weldon.

— Non, non ! Ce n’est pas un serpent, mais un insecte, répondit cousin Bénédict. Ah ! je le tiens ! je le tiens !

— Eh bien, écrasez votre insecte, dit Harris, et laissez-nous dormir, monsieur Bénédict !

— Écraser un insecte ! s’écria cousin Bénédict. Non pas ! non pas ! Il faut voir ce que c’est !

— Quelque moustique ! dit Harris en haussant les épaules.

— Point ! C’est une mouche, répondit cousin Bénédict, et une mouche qui doit être très curieuse ! »

Dick Sand avait allumé une petite lanterne portative, et il l’approcha du cousin Bénédict.

« Bonté divine ! s’écria celui-ci. Voilà qui me console de toutes mes déceptions ! J’ai donc enfin fait une découverte ! »

Le brave homme délirait. Il regardait sa mouche en triomphateur ! Il l’eût baisée volontiers !