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LE MOT TERRIBLE !

Douze jours de voyage pour une femme, douze nuits passées en plein air, c’était là de quoi accabler Mrs Weldon, si énergique qu’elle fût. Mais, pour un enfant, c’était pis, et la vue du petit Jack malade, auquel manquaient les soins les plus élémentaires, eût suffi à la briser.

Dick Sand, Nan, Tom, ses compagnons avaient mieux supporté les fatigues du voyage.

Les vivres, bien qu’ils commençassent à s’épuiser, ne leur avaient point fait défaut, et leur état était satisfaisant.

Quant à Harris, il semblait fait aux épreuves de ces longs parcours à travers les forêts, et il ne paraissait pas que la fatigue eût prise sur lui. Seulement, à mesure qu’il se rapprochait de l’hacienda, Dick Sand observa qu’il était plus préoccupé et de moins franche allure qu’auparavant. Le contraire aurait été plus naturel. C’était, du moins, l’opinion du jeune novice, devenu plus que défiant à l’égard de l’Américain. Et cependant, quel intérêt eût pu porter Harris à les tromper ? Dick Sand n’aurait pu l’expliquer, mais il surveillait leur guide de très près.

L’Américain, probablement, se sentait mal vu de Dick Sand, et, sans doute, c’était cette défiance qui le rendait plus taciturne encore auprès de son « jeune ami ».

La marche avait été reprise.

Dans la forêt, moins épaisse, les arbres s’éparpillaient par groupes, et ne formaient plus d’impénétrables masses. Était-ce donc la véritable pampa, dont Harris avait parlé ?

Pendant les premières heures de la journée, aucun incident ne vint aggraver les inquiétudes de Dick Sand. Seulement, deux faits furent observés par lui. Peut-être n’avaient-ils pas une grande importance, mais, dans les conjonctures actuelles, aucun détail n’était à négliger.

Ce fut l’allure de Dingo, qui, tout d’abord, attira plus spécialement l’attention du jeune novice.

En effet, le chien, qui pendant tout ce parcours avait semblé suivre une piste, devint tout autre, et cela presque soudain. Jusqu’alors, le nez au sol, le plus souvent, flairant les herbes ou les arbustes, ou il se taisait ou il faisait entendre une sorte d’aboiement lamentable, comme eût été l’expression d’une douleur ou d’un regret.

Or, ce jour-là, les aboiements du singulier animal redevinrent éclatants, parfois furieux, tels qu’ils étaient autrefois, lorsque Negoro paraissait sur le pont du Pilgrim.