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Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/198

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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

faisait plus de nouveaux esclaves, mais les anciens n’avaient pas encore recouvré leur liberté.

Ce fut dans ces circonstances que l’Angleterre donna l’exemple. Le 14 mai 1833, une déclaration générale émancipa tous les noirs des colonies de la Grande-Bretagne, et en août 1838, six cent soixante-dix mille esclaves furent déclarés libres.

Dix ans plus tard, en 1848, la République émancipait les esclaves des colonies françaises, soit deux cent soixante mille noirs.

En 1859, la guerre qui éclata entre les fédéraux et les confédérés des États-Unis, achevant l’œuvre d’émancipation, l’étendit à toute l’Amérique du Nord.

Les trois grandes puissances avaient donc accompli cette œuvre d’humanité. À l’heure qu’il est, la traite ne s’exerce plus qu’au profit des colonies espagnoles ou portugaises, et pour satisfaire aux besoins des populations de l’Orient, turques ou arabes. Le Brésil, s’il n’a pas encore rendu à la liberté ses anciens esclaves, n’en reçoit plus de nouveaux, du moins, et les enfants des noirs y naissent libres.

C’est dans l’intérieur de l’Afrique, à la suite de ces guerres sanglantes que les chefs africains se font pour cette chasse à l’homme, que des tribus entières sont réduites en esclavage. Deux directions opposées sont alors imprimées aux caravanes : l’une à l’ouest, vers la colonie portugaise de l’Angola ; l’autre à l’est, sur le Mozambique. De ces malheureux, dont une faible partie seulement arrivent à destination, les uns sont expédiés soit à Cuba, soit à Madagascar ; les autres, dans les provinces arabes ou turques de l’Asie, à la Mecque ou à Mascate. Les croisières anglaises et françaises ne peuvent empêcher ce trafic que dans une faible mesure, tant une surveillance efficace de côtes aussi étendues est difficile à obtenir.

Mais le chiffre de ces odieuses exportations est-il donc considérable encore ?

Oui ! On n’estime pas à moins de quatre-vingt mille le nombre des esclaves qui arrivent au littoral, et ce nombre, paraît-il, ne représente que le dixième des indigènes massacrés. Après ces boucheries épouvantables, les champs dévastés sont déserts, les bourgades incendiées sont vides d’habitants, les fleuves roulent des cadavres, les bêtes fauves occupent le pays. Livingstone, au lendemain de ces chasses à l’homme, ne reconnaissait plus les provinces qu’il avait visitées quelques mois auparavant. Tous les autres voyageurs, Grant, Speke, Burton, Cameron, Stanley, ne parlent pas autrement de ce plateau boisé de l’Afrique centrale, principal théâtre des guerres de chefs à chefs. Dans la région des