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LA TRAITE

le Pilgrim, si une main criminelle n’eût dévié sa route, où des naufragés eussent trouvé tant de facilités de rapatriement !

C’était le terrible Angola, et non pas cette partie de la côte directement surveillée par les autorités portugaises, mais l’intérieur même de la colonie, que sillonnent les caravanes d’esclaves sous le fouet des havildars.

Que savait Dick Sand de ce pays où la trahison l’avait jeté ? Peu de choses, ce qu’en avaient dit les missionnaires des xvie et xviie siècles, les marchands portugais qui fréquentaient la route de Saint-Paul de Loanda au Zaïre par San-Salvador, ce qu’en avait raconté le docteur Livingstone, lors de son voyage de 1853, et cela eût suffi à abattre une âme moins forte que la sienne.

En vérité, la situation était épouvantable.


CHAPITRE II

harris et negoro.


Le lendemain du jour où Dick Sand et ses compagnons avaient établi leur dernière halte dans la forêt, deux hommes se rencontraient à trois milles de là, ainsi qu’il avait été préalablement convenu entre eux.

Ces deux hommes étaient Harris et Negoro, et l’on va voir à quoi se réduisait la part du hasard qui avait mis en présence sur le littoral de l’Angola le Portugais venu de Nouvelle-Zélande et l’Américain que son métier de traitant obligeait à parcourir souvent cette province de l’Ouest-Afrique.

Harris et Negoro s’étaient assis au pied d’un énorme banian, sur la berge d’un ruisseau torrentueux, qui coulait entre une double haie de papyrus.

La conversation commençait, car le Portugais et l’Américain venaient de se rejoindre à l’instant, et tout d’abord elle avait porté sur les faits qui s’étaient accomplis pendant ces dernières heures.

« Ainsi, Harris, dit Negoro, tu n’as pas pu entraîner plus loin dans l’Angola la petite troupe du capitaine Sand, comme ils appellent ce novice de quinze ans ?

— Non, camarade, répondit Harris, et il est même étonnant que je sois parvenu à l’amener à cent milles, au moins, de la côte ? Depuis plusieurs jours,