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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

— Je tombe !… » répondit simplement cousin Bénédict, qui venait de disparaître, comme si quelque trappe se fût subitement ouverte sous ses pieds.

En effet, le pauvre homme s’était aventuré sur une sorte de fondrière et avait disparu jusqu’à mi-corps dans une boue tenace. On lui tendit la main, et il se releva couvert de vase, mais très satisfait de n’avoir point endommagé sa précieuse boîte d’entomologiste. Actéon se plaça près de lui, et eut pour fonction de prévenir toute nouvelle chute du malencontreux myope.

D’ailleurs, cousin Bénédict avait assez mal choisi cette fondrière pour s’y enfoncer. Lorsqu’on le retira de ce sol boueux, une grande quantité de bulles monta à la surface, et en crevant, elles laissèrent échapper des gaz d’une odeur suffocante. Livingstone, qui eut quelquefois de cette vase jusqu’à la poitrine, comparait ces terrains à un ensemble d’énormes éponges faites d’une terre noire et poreuse, d’où le pied faisait jaillir de nombreux filets d’eau. Ces passages étaient toujours fort dangereux.

Pendant l’espace d’un demi-mille, Dick Sand et ses compagnons durent marcher sur ce sol spongieux. Il devint même si mauvais que }{{Mrs|Weldon} fut obligée de s’arrêter, car elle enfonçait jusqu’à mi-jambe dans la fondrière. Hercule, Bat et Austin, voulant lui épargner plus encore les désagréments que la fatigue d’un passage à travers cette plaine marécageuse, firent une litière de bambous sur laquelle elle consentit à prendre place. Son petit Jack fut placé dans ses bras, et l’on s’occupa de traverser au plus vite ce marécage pestilentiel.

Les difficultés furent grandes. Actéon tenait vigoureusement cousin Bénédict. Tom aidait Nan qui, sans lui, eût plusieurs fois disparu dans quelque crevasse. Les trois autres noirs portaient la litière. En tête, Dick Sand sondait le terrain. Le choix de l’emplacement où mettre le pied ne se faisait pas sans peine. Il fallait marcher de préférence sur les rebords, que recouvrait une herbe épaisse et coriace ; mais souvent le point d’appui manquait, et l’on s’enfonçait jusqu’au genou dans la vase.

Enfin, vers cinq heures du soir, le marécage ayant été franchi, le sol reprit une dureté suffisante, grâce à sa nature argileuse ; mais on le sentait humide dans les dessous. Très évidemment, ces terrains se trouvaient placés en contrebas des rivières voisines, et l’eau courait à travers leurs pores.

En ce moment, la chaleur était devenue accablante. Elle eût même été insoutenable, si d’épais nuages orageux ne se fussent interposés entre les rayons