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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Oui ! ou bien Hercule tenterait de retrouver leurs traces et de se mettre en communication avec eux, ou, si cette piste lui manquait, il essayerait de se concerter avec lui, Dick Sand, et peut-être de l’enlever, de le délivrer par un coup de force ! Pendant les haltes de nuit, se confondant avec ces prisonniers, noir comme eux, ne pourrait-il tromper la vigilance des soldats, parvenir jusqu’à lui, briser ses liens, l’entraîner dans la forêt, et tous deux, libres alors, que ne feraient-ils pas pour le salut de Mrs Weldon ! Un cours d’eau leur permettrait de descendre jusqu’au littoral, et Dick Sand reprendrait, avec de nouvelles chances de succès et une plus grande connaissance des difficultés, ce plan si malheureusement empêché par l’attaque des indigènes !

Le jeune novice se laissait aller ainsi à des alternatives de craintes et d’espoir. En somme, il résistait à l’abattement, grâce à son énergique nature, et se tenait prêt à profiter de la moindre chance qui lui serait offerte.

Ce qu’il importait de savoir, avant tout, c’était vers quel marché les agents dirigeaient le convoi d’esclaves. Était-ce vers une des factoreries de l’Angola et serait-ce l’affaire de quelques étapes seulement, ou ce convoi cheminerait-il pendant des centaines de milles encore à travers l’Afrique centrale ? Le principal marché des traitants, c’est celui de N’yangwé, dans le Manyema, sur ce méridien qui divise le continent africain en deux parties presque égales, là où s’étend le pays des grands lacs que Livingstone parcourait alors. Mais il y avait loin du campement de la Coanza à cette bourgade ; des mois de voyage ne suffiraient pas à l’atteindre.

C’était là une des plus sérieuses préoccupations de Dick Sand, car, une fois à N’yangwé, au cas même où Mrs Weldon, Hercule, les autres noirs et lui seraient parvenus à s’échapper, combien eût été difficile, pour ne pas dire impossible, le retour au littoral, au milieu des dangers d’une si longue route !

Mais Dick Sand eut bientôt raison de penser que le convoi ne tarderait pas à arriver à destination. Bien qu’il ne comprît pas le langage qu’employaient les chefs de la caravane, c’est-à-dire tantôt l’arabe, tantôt l’idiome africain, il remarqua que le nom d’un important marché de cette région était souvent prononcé. C’était le nom de Kazonndé, et il n’ignorait pas qu’il se faisait là un très grand commerce d’esclaves. Il fut donc naturellement conduit à croire que là se déciderait le sort des prisonniers, soit au profit du roi de ce district, soit pour le compte de quelque riche traitant du pays. On sait qu’il ne se trompait pas.

Or, Dick Sand, au courant des faits de la géographie moderne, connaissait assez exactement ce que l’on savait de Kazonndé. La distance de Saint-Paul de