Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
S. V.

échantillons entre les gros doigts d’Hercule, qui avaient la dureté et la force d’un étau. Mais le colossal élève écoutait si docilement les leçons du professeur, que cela valait bien que l’on risquât quelque chose.

Tandis que cousin Bénédict travaillait ainsi, Mrs Weldon ne laissait pas le petit Jack absolument inoccupé. Elle lui apprenait à lire et à écrire. Quant au calcul, c’était son ami Dick Sand qui lui en inculquait les premiers éléments.

À l’âge de cinq ans, on n’est qu’un petit enfant encore, et l’on s’instruit mieux peut-être par des jeux pratiques que par des leçons théoriques, nécessairement un peu ardues.

Jack apprenait à lire, non dans un abécédaire, mais au moyen de lettres mobiles, imprimées en rouge sur des cubes de bois, qu’il s’amusait à ranger, de manière à former des mots. Quelquefois, Mrs Weldon prenait ces cubes, composait un mot ; puis, elle les brouillait, et c’était à Jack de les replacer dans l’ordre voulu.

Le petit garçon aimait beaucoup cette manière d’apprendre à lire. Chaque jour, il passait quelques heures, tantôt dans la cabine, tantôt sur le pont, à ranger et à déranger les lettres de son alphabet.

Or, ceci provoqua un jour un incident si extraordinaire, si inattendu, qu’il faut le rapporter avec quelque détail.

C’était dans la matinée du 9 février. Jack, à demi couché sur le pont, s’amusait à former un mot que le vieux Tom devait reconstituer, après que les lettres auraient été brouillées. Tom, la main sur les yeux, pour ne pas tricher, comme il convient, ne devait rien voir et ne voyait rien du travail du petit garçon.

De ces diverses lettres, au nombre d’une cinquantaine, les unes étaient majuscules, les autres minuscules. De plus, quelques uns de ces cubes portaient un chiffre, ce qui permettait d’apprendre à former les nombres aussi bien qu’à former les mots.

Ces cubes étaient rangés sur le pont, et le petit Jack prenait tantôt l’un, tantôt l’autre, pour composer son mot, — une grosse besogne en vérité.

Or, depuis quelques instants, Dingo tournait autour du jeune enfant quand, soudain, il s’arrêta. Ses yeux devinrent fixes, sa patte droite se leva, sa queue s’agita convulsivement. Puis, tout à coup, se jetant sur un des cubes de bois, il le saisit dans sa gueule, et il vint le déposer sur le pont à quelques pas de Jack.