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Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/81

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LA JUBARTE

même facilité. Dans ces conditions, comment éviterait-elle le choc qui la menaçait ? Si elle ne gouvernait plus, à plus forte raison ne pouvait-elle fuir.

Et d’ailleurs, si vite qu’eût été poussée cette embarcation, la rapide jubarte l’aurait toujours rejointe en quelques bonds. Il n’y avait plus maintenant à attaquer, il y avait à se défendre.

Le capitaine Hull ne s’y méprit point.

La troisième attaque de l’animal ne put être entièrement parée. En passant, il frôla la baleinière de son énorme nageoire dorsale, mais avec tant de force, qu’Howik fut renversé de son banc.

Les trois lances, malheureusement déviées par l’oscillation, manquèrent cette fois leur but.

« Howik ! Howik ! cria le capitaine Hull, qui avait eu lui-même peine à se retenir.

— Présent ! » répondit le maître d’équipage en se relevant.

Mais il s’aperçut alors que, dans sa chute, son aviron de queue s’était cassé par le milieu.

« Un autre aviron ! dit le capitaine Hull.

— C’est fait », répondit Howik.

À ce moment, un bouillonnement se produisit sous les eaux, à quelques toises seulement de l’embarcation.

Le baleineau venait de reparaître. La jubarte le vit, et elle se précipita vers lui.

Cette circonstance ne pouvait que donner à la lutte un caractère plus terrible. La jubarte allait se battre pour deux.

Le capitaine Hull regarda du côté du Pilgrim. Sa main agita frénétiquement la gaffe qui portait le pavillon.

Que pouvait faire Dick Sand qui n’eût été déjà fait au premier signal du capitaine ? Les voiles du Pilgrim étaient orientées et le vent commençait à les enfler. Malheureusement, le brick-goélette ne possédait pas une hélice dont on pût accroître l’action pour marcher plus vite. Lancer une des embarcations à la mer et courir au secours du capitaine avec l’aide des noirs, c’eût été une perte de temps considérable, et, d’ailleurs, le novice avait ordre de ne pas quitter le bord, quoi qu’il arrivât. Cependant, il fit descendre de ses portemanteaux le canot d’arrière qu’il traîna à la remorque, afin que le capitaine et ses compagnons pussent s’y réfugier, si besoin était.

En ce moment, la jubarte, couvrant le baleineau de son corps, était revenue