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à l’université de dorpat.

Allemands et les faire danser sur des pierres chauffées !… »

C’était Gospodin qui venait de lancer cet hymne russe de si large envergure.

Puis, après lui et avec lui, ses camarades firent retentir les airs du refrain de « Boje-Tsara-Krani », l’hymne moscovite d’un si grand et si religieux caractère.

Soudain, la porte de la salle s’ouvrit. Une centaine d’étudiants s’élancèrent dans la cour.

Ils entourèrent le groupe slave, au centre duquel se trouvait Jean Nicolef, impuissant désormais à retenir ses camarades, surexcités par les cris et les gestes de leurs adversaires. Bien que Karl Johausen ne fût pas avec eux pour les pousser à la violence, — il était encore dans l’amphithéâtre, — leur Gaudeamus igitur, vociféré, hurlé même, essayait d’étouffer l’hymne russe dont la puissante mélodie perçait malgré leurs efforts.

À ce moment, deux étudiants se trouvèrent face à face, prêts à se jeter l’un sur l’autre — Siegfried et Gospodin. Était-ce entre eux que cette question de races allait se décider ?… Les deux partis ne prendraient-ils pas fait et cause pour leurs champions ?… Cette altercation ne dégénérerait-elle pas en une bataille générale, dont la responsabilité retomberait sur l’Université elle-même ?…

En entendant le tumulte provoqué par la sortie des convives du banquet, le recteur s’était hâté d’intervenir. Quelques-uns des professeurs, s’étant joints à lui, parcouraient maintenant la cour à travers les groupes. Ils essayaient de calmer ces jeunes gens prêts à en venir aux mains. Ils n’y arrivaient pas. L’autorité du recteur était méconnue…

Que pouvait-il d’ailleurs au milieu de ces « germaniques » dont le nombre grossissait à mesure que se vidait la salle de l’amphithéâtre ?…

Jean Nicolef et ses camarades, malgré leur infériorité numé-