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frontière franchie.

serait atteint. Cette fois encore, nulle nécessité de se risquer en quelque village, de chercher abri en quelque auberge, puisque les provisions suffiraient pour une journée. N’importe quel refuge, pourvu que la sécurité y fût assurée jusqu’au soir. Sous ces bois qui enveloppent la pointe septentrionale du Watzjero, on trouve des cabanes de bûcherons inhabitées durant l’hiver. Avec le peu de charbon qu’elles renferment, avec le bois mort tombé des arbres, il est facile de se procurer une bonne flambée qui réchauffe, on peut le dire, le corps et l’âme, et il n’est pas à craindre que la fumée d’un foyer trahisse au sein de ces vastes solitudes.

Certes, cet hiver avait été dur ; mais, sa rigueur à part, combien il avait favorisé la fuite du fugitif depuis son arrivée sur le sol de l’Empire !

Et, d’ailleurs, l’hiver n’est-il pas l’ami des Russes ? selon le dicton slave, et ne sont-ils pas assurés de sa rude amitié ?…

À cet instant, un hurlement se fit entendre du côté de la berge gauche de l’Embach. Il n’y avait pas à s’y tromper, c’était le hurlement d’un fauve à quelques centaines de pas. L’animal s’approchait-il ou s’éloignait-il ?… L’obscurité ne permettait pas de le reconnaître.

L’homme s’arrêta un instant, prêtant l’oreille. Il lui importait de se tenir sur ses gardes, de ne pas se laisser surprendre.

Le hurlement se reproduisit à plusieurs reprises, plus intense. D’autres lui répondirent.

Nul doute, une bande de fauves remontait la rive de l’Embach, et il était possible qu’ils eussent senti la présence d’une créature humaine.

Or, voici que ce lugubre concert éclata avec une telle violence que le fugitif se crut sur le point d’être attaqué.

« Ce sont des loups, se répétait-il, et, maintenant, la bande n’est pas loin. »