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en face de la foule.

« Tu ne feras pas cela !… s’écria le docteur. C’est de la folie !…

— Je le ferai pourtant !… »

Et, avant qu’on eût pu l’en empêcher, la fenêtre ouverte, il s’y montra.

Mille cris de mort éclatèrent dans la foule.

En ce moment, le cortège arrivait à la hauteur de la maison. Zénaide Parensof, traitée comme une veuve, suivait le cercueil orné de fleurs et de couronnes. Puis venaient MM. Johausen et le personnel de leur maison, précédant les amis ou les partisans, qui ne cherchaient dans cette cérémonie qu’un prétexte à manifestation.

Le cortège fit halte devant la maison du professeur, au milieu du tumulte, des cris qui s’élevaient de toutes parts, des menaces de mort qui les accompagnaient.

Le colonel Raguenof et le major Verder étaient là avec une nombreuse escouade de police, mais Eck et ses agents ne seraient-ils pas impuissants à contenir ce déchaînement populaire ?…

En effet, depuis que Dimitri Nicolef s’était montré, on hurlait jusque sous la fenêtre :

« Mort à l’assassin !… Mort à l’assassin ! »

Lui, les bras croisés, la tête fièrement relevée, immobile comme une statue, la statue du dédain, ne prononçait pas une parole. Ses deux enfants, le docteur et M. Delaporte n’ayant pu empêcher cet acte d’imprudence, se tenaient à ses côtés.

Cependant le cortège se remit en marche à travers ce concours de monde. Les clameurs redoublèrent. Les plus enragés se précipitaient vers la porte de la maison et essayaient de l’enfoncer.

Le colonel, le major, les agents, parvinrent à les repousser. Mais il comprirent que, pour sauver la vie de Nicolef, il serait nécessaire de le mettre en état d’arrestation, et encore devaient-ils craindre qu’il ne fût massacré sur place !…