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Page:Verne - Un drame en Livonie, illust Benett, 1905.djvu/205

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wladimir yanof.

Et, alors, compromis par un silence qu’il ne voulait pas rompre, poursuivi avec une impitoyable haine par ses adversaires politiques, sa vie même menacée par les violences de la foule, il allait être mis en état d’arrestation, lorsque Wladimir Yanof apparut.

Et maintenant, on savait qui il était, ce proscrit, pourquoi il était venu à Riga. La porte de la maison ouverte, Wladimir Yanof tomba dans les bras de Dimitri Nicolef, il pressa sa fiancée sur son cœur, il embrassa Jean, il serra les mains qui lui furent tendues, et devant le colonel, devant le major Verder qui l’avaient suivi, il dit :

« À Pernau… lorsque j’ai su quel crime infâme était imputé à Nicolef, lorsque j’ai appris qu’on l’accusait d’être l’auteur de l’assassinat de la Croix-Rompue, lorsque les journaux eurent rapporté qu’il se refusait à faire connaître le motif de son voyage, bien qu’il n’eût qu’un mot, un nom à prononcer, le mien, pour se justifier, et qu’il ne le disait pas pour ne point me compromettre, je n’ai pas hésité, j’ai compris quel était mon devoir, j’ai quitté Pernau, et me voici !… Ce que tu as voulu faire pour moi, Dimitri Nicolef, toi, l’ami de Jean Yanof, toi, mon second père, j’ai voulu le faire pour toi…

— Et tu as eu tort, Wladimir, tu as eu tort, Wladimir !… Je suis innocent, je n’avais rien à craindre, je ne craignais rien, et mon innocence eût été bientôt reconnue.

— N’ai-je pas eu raison, Ilka ? demanda Wladimir, en s’adressant à la jeune fille.

— Ne réponds pas, mon enfant, dit Nicolef, tu n’es pas à même de décider entre ton père et ton fiancé !… Je t’estime, Wladimir, pour ce que tu as cru devoir faire, mais je te blâme de l’avoir fait !… Avec plus de raison, tu aurais compris que mieux valait te réfugier en un lieu sûr… De là, tu m’aurais écrit, et, aussitôt ta lettre reçue, j’aurais parlé, j’aurais révélé les