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deuxième perquisition.

mir pouvait pas rester dans l’ignorance d’un danger si inquiétant pour la famille… Ce n’est pas cela, d’ailleurs, qui changerait ses sentiments pour la jeune fille. Lui, avec la somme en dépôt que lui avait restituée Dimitri Nicolef, il saurait attendre, et, son énergie, son intelligence aidant, assurer l’avenir.

Si la famille Nicolef était heureuse, maintenant, plus heureuse qu’elle n’avait peut-être jamais espéré l’être, quel contraste auprès de la famille Johausen ! Il y avait lieu de penser que Karl, si grièvement blessé, guérirait avec des soins et du temps, et l’on avait pu le faire transporter à Riga. Toutefois, dans la lutte qu’il soutenait directement contre le professeur qu’il croyait avoir anéanti, Frank Johausen sentait la victoire lui échapper. Il semblait que les armes terribles, dont sa haine n’avait pas hésité à se servir, venaient de se briser entre ses mains. La gêne financière de son rival, la dette contractée envers lui et qui ne serait peut-être pas payée à l’échéance, voilà tout ce qui lui restait pour ruiner son ennemi politique.

Ce qui est certain, c’est que l’opinion publique, — celle des gens désintéressés dans l’espèce et jugeant les faits sans parti pris, — abandonnait peu à peu l’accusation portée contre Dimitri Nicolef.

Elle tendait même à se retourner contre le propriétaire du kabak de la Croix-Rompue.

En effet, si l’on écartait aussi l’intervention d’un malfaiteur du dehors, les présomptions devaient porter sur Kroff. Ses antécédents prouvaient-ils pour ou contre lui ?… À vrai dire, ils n’étaient ni bons ni mauvais. Kroff avait la réputation d’être un homme rude, âpre au gain. Peu communicatif, très en dessous, il vivait seul, sans famille, dans ce cabaret isolé, fréquenté des paysans et des bûcherons. Ses père et mère, d’origine allemande, et — ce qui n’est pas rare dans les provinces Baltiques — appartenant à la religion orthodoxe, avaient vécu assez misé-