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un drame en livonie.

Slaves y sont en majorité, et cette majorité sera pour Nicolef.

— Mon père n’a pas tant d’ambition, répondit Ilka. Pourvu que les Slaves l’emportent et qu’ils soient les maîtres dans leur pays…

— Ils le seront aux élections prochaines, mademoiselle Ilka, dit M. Delaporte, et si Dimitri Nicolef consent à se présenter…

— Ce serait une charge bien lourde pour mon père, dont la situation est modeste, répondit la jeune fille. Et, d’ailleurs, vous le savez, mon cher docteur, en dépit des chiffres, Riga est une ville beaucoup plus allemande que russe !

— Laissons couler l’eau de la Dwina !… s’écria le docteur. Les vieilles coutumes s’en iront par l’aval, et les idées nouvelles viendront par l’amont… Et, ce jour-là, mon brave Dimitri sera porté par elles !

— Je vous remercie, docteur, et vous aussi, monsieur Delaporte, des sentiments que vous inspire mon père, mais il faut prendre garde… N’avez-vous pas remarqué qu’il devient de plus en plus triste, et cela m’inquiète ! »

En effet, ses amis avaient fait la même observation. Depuis quelque temps, Dimitri Nicolef semblait avoir de graves préoccupations. Mais, très renfermé, peu communicatif, il ne s’ouvrait à personne, pas plus à ses enfants qu’à son vieux fidèle Hamine. C’est dans le travail, un travail obstiné qu’il se réfugiait, avec l’espoir d’oublier sans doute. Et cependant la population slave de Riga le regardait comme son futur représentant à la tête d’une nouvelle municipalité.

On était en 1876. Cette idée de russifier les provinces Baltiques datait déjà d’un siècle. Catherine II songeait à cette réforme toute nationale. Le gouvernement prenait des mesures pour éloigner les corporations allemandes de l’administration des villes et bourgades. L’élection des Conseils allait être confiée à