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un drame en livonie.

Poch, fort dépité de n’avoir pu tirer une seule parole de ce taciturne.

« Nous n’arriverons donc pas à savoir quel est cet individu ?… demanda Poch.

— Je vais te le dire, répondit Broks.

— Tu le connais ?

— Oui ! C’est un monsieur qui a payé sa place, cela me suffit. »

On partit quelques minutes avant deux heures, et la malle reprit une allure rapide. L’attelage, gratifié d’aimables et caressantes appellations : « Allez, mes colombes ! Poussez, mes hirondelles ! » s’enleva au grand trot sous le fouet du postillon.

Très probablement Poch avait vidé son sac, épuisé son stock de nouvelles, car la conversation devint languissante entre le conducteur et lui. Un peu alourdi, d’ailleurs, par la digestion d’un si bon dîner, le cerveau noyé des vapeurs du vodka, il ne tarda pas à « pêcher à la ligne », comme on dit d’une personne gagnée par le sommeil et dont la tête va deçà et delà. Un quart d’heure après, il dormait d’un gros sommeil, hanté sans doute de rêves dans lesquels apparaissait la douce image de Zénaïde Parensof.

Cependant le temps devenait plus mauvais. Les nuages s’abaissaient vers le sol. La malle avait dû s’engager à travers des plaines marécageuses assez impropres à l’établissement d’une route carrossable. Les terres mouvantes étaient affleurées par les multiples rios dont est sillonnée cette région septentrionale de la Livonie. Aussi avait-il fallu juxtaposer des troncs d’arbres, à peine équarris, pour donner quelque solidité à ces fondrières. Presque insuffisant pour un piéton, le passage y était difficile à une voiture. Nombre de ces madriers, mal assujettis, appuyés d’un bout, non de l’autre, basculaient sous les roues de la malle, qui sonnait avec un inquiétant bruit de ferraille.

Dans ces conditions, l’iemschick ne songeait point à forcer son attelage. Il marchait lentement, par prudence, relevant ses che-