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aventures

tion qui devait servir de lieu de halte. Deux caamas et leurs conducteurs, affectés au transport des instruments, accompagnaient les observateurs.

Le temps était assez clair et se prêtait à l’opération. Il avait été décidé, d’ailleurs, que si l’atmosphère venait à gêner les relèvements, les observations seraient faites pendant la nuit au moyen de réverbères ou de lampes électriques, dont la commission était munie.

Pendant cette première journée, les deux angles ayant été mesurés, le résultat des mesures fut porté sur le double registre, après avoir été soigneusement collationné. Lorsque le soir arriva, tous les astronomes étaient réunis avec la caravane autour de l’arbre qui avait servi de mire.

C’était un énorme baobab dont la circonférence mesurait plus de quatre-vingts pieds[1]. Son écorce, couleur de syénite, lui donnait un aspect particulier. Sous l’immense ramure de ce géant, peuplé d’un monde d’écureuils très friands de ses fruits ovoïdes à pulpes planches, toute la caravane put trouver place, et le repas fut préparé pour les Européens par le cuisinier de la chaloupe, auquel la venaison ne manqua pas. Les chasseurs de la troupe avaient battu les environs et tué un certain nombre d’antilopes. Bientôt, l’odeur des grillades fumantes emplit l’atmosphère et sollicita l’appétit des observateurs qui n’avait pas besoin d’être excité.

Après ce repas réconfortant, les astronomes se retirèrent dans leur chariot spécial, tandis que Mokoum établissait des sentinelles sur la lisière du campement. De grands feux, dont les branches mortes du gigantesque baobab firent les frais, demeurèrent allumés toute la nuit, et contribuèrent à tenir à une respectueuse distance les bêtes fauves qu’attirait l’odeur de la chair saignante.

Cependant, après deux heures de sommeil, Michel Zorn et William Emery se relevèrent. Leur travail d’observateurs n’était pas terminé. Ils voulaient calculer la latitude de cette station par l’observation de hauteurs d’étoiles. Tous les deux, sans se soucier des fatigues du jour, ils s’installèrent aux lunettes de leur instrument, et tandis que le rire des hyènes et le rugissement des lions retentissaient dans la sombre plaine, ils déterminèrent rigoureusement le déplacement que le zénith avait subi en passant de la première station à la seconde.

  1. Adanson a mesuré dans l’Afrique occidentale des baobabs qui ont jusqu’à 26 mètres de circonférence.