Mais, à la très grande surprise du bushman, le vieux mâle n’avait pas donné à la bande d’antilopes le signal de fuir. Contrairement aux habitudes de ces ruminants, ce singulier gardien était demeuré à la même place, ne songeant point à suivre les oryx confiés à sa garde. Depuis leur départ, il essayait même de se dissimuler dans les herbes, peut-être avec l’intention de gagner le taillis.
« Voilà une chose curieuse, dit alors le bushman. Qu’a-t-il donc, ce vieil oryx ? Sa démarche est singulière ! Est-il blessé ou accablé par l’âge ?
— Nous le saurons bien ! » répondit sir John, en s’élançant vers l’animal, son rifle prêt à faire feu.
L’oryx, à l’approche du chasseur, s’était de plus en plus rasé dans les herbes. On ne voyait que ses longues cornes, hautes de quatre pieds, dont les pointes acérées dominaient la verte surface de la plaine. Il ne cherchait même plus à fuir, mais à se cacher. Sir John put donc approcher facilement le singulier animal. Lorsqu’il n’en fut plus qu’à cent pas, il l’ajusta avec soin et fit feu. La détonation retentit. La balle avait évidemment frappé l’oryx à la tête, car ses cornes, dressées jusqu’alors, étaient maintenant couchées sous les herbes.
Sir John et Mokoum accoururent vers la bête de toute la vitesse de leurs jambes. Le bushman tenait à la main son couteau de chasse, prêt à éventrer l’animal dans le cas où il n’eût pas été tué sur le coup.
Mais cette précaution fut inutile. L’oryx était mort, bien mort, et tellement mort, que lorsque sir John le tira par les cornes, il n’amena qu’une peau vide et flasque, à laquelle l’ossature manquait tout entière !
« Par saint Patrik ! voilà des choses qui n’arrivent qu’à moi ! » s’écria-t-il d’un ton si comique qu’il eût fait rire tout autre que le bushman.
Mais Mokoum ne riait pas. Ses lèvres pincées, ses sourcils contractés, ses yeux clignotants trahissaient en lui une sérieuse inquiétude. Les bras croisés, portant rapidement la tête à droite, à gauche, il regardait autour de lui.
Soudain, un objet frappa ses regards. C’était un petit sac de cuir, enjolivé d’arabesques rouges, qui gisait sur le sol. Le bushman le ramassa aussitôt, et l’examina avec attention.
« Qu’est-ce que cela ? demanda sir John.
— Cela, répondit Mokoum, c’est un sac de Makololo.
— Et comment se trouve-t-il à cette place ?
— Parce que le possesseur de ce sac vient de le laisser tomber en fuyant précipitamment.
— Et ce Makololo ?
— N’en déplaise à votre Honneur, répondit le bushman en contractant