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Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/354

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aventures

la base du Scorzef et rendait toute fuite impossible par la plaine. Heureusement, les eaux du Ngami n’étaient pas et ne pouvaient être gardées, et, le cas échéant, la retraite, à moins de circonstances imprévues, resterait toujours praticable par le lac.

Mais il n’était pas question de fuir. Les Européens occupaient un poste scientifique, un poste d’honneur qu’ils n’entendaient point abandonner. À cet égard, un parfait accord régnait entre eux. Il n’existait même plus trace des dissensions personnelles qui avaient autrefois divisé le colonel Everest et Mathieu Strux. Jamais non plus il n’était question de la guerre qui mettait aux prises en ce moment l’Angleterre et la Russie. Aucune allusion ne se produisait à ce sujet. Tous deux, ces savants, marchaient au même but ; tous deux voulaient obtenir ce résultat également utile aux deux nations, et accomplir leur œuvre scientifique.

En attendant l’heure à laquelle brillerait le fanal au sommet du Volquiria, les deux astronomes s’occupèrent d’achever la mesure du triangle précédent. Cette opération, qui consistait à viser avec la double lunette les deux dernières stations de l’itinéraire anglais, se fit sans difficultés, et le résultat en fut consigné par Nicolas Palander. Cette mesure achevée, il fut convenu que, pendant les nuits suivantes, on ferait de nombreuses observations d’étoiles, de manière à obtenir avec une précision rigoureuse la latitude du Scorzef.

Une question importante dut être également décidée avant toute autre, et Mokoum fut naturellement appelé à donner son avis dans cette circonstance. En quel minimum de temps Michel Zorn et William Emery pouvaient-ils atteindre la chaîne de montagnes qui se développait au nord du Ngami, et dont le pic principal devait servir de point d’appui au dernier triangle du réseau ?

Le bushman ne put estimer à moins de cinq jours le temps nécessaire pour gagner le poste en question. En effet, une distance de plus de cent milles le séparait du Scorzef. La petite troupe du foreloper marchait à pied, et, en tenant compte des difficultés que devait présenter une région souvent coupée par des rios, cinq jours seraient même un laps de temps fort court.

On adopta donc un maximum de six jours, et sur cette base on établit la réglementation de la nourriture.

La réserve de vivres était fort restreinte. Il avait fallu en abandonner une portion à la petite troupe du foreloper, en attendant le moment où elle pourrait s’approvisionner par la chasse. Les vivres, transportés dans le fortin et diminués de cette portion, ne devaient plus fournir à chacun sa ration ordinaire que pendant deux jours. Ils consistaient en quelques livres de biscuit, de viande conservée et de pemmican. Le colonel Everest, d’ac-