Voilà ce qu’un vieux papier allait coûter à mon oncle. Ma foi, en qualité de neveu dévoué, je me crus obligé de manger pour lui, et même pour moi. Ce que je fis en conscience.
« Je n’ai jamais vu chose pareille ! disait la bonne Marthe. M. Lidenbrock qui n’est pas à table !
— C’est à ne pas le croire.
— Cela présage quelque événement grave ! » reprenait la vieille servante, hochant la tête.
Dans mon opinion, cela ne présageait rien, sinon une scène épouvantable quand mon oncle trouverait son dîner dévoré.
J’en étais à ma dernière crevette, lorsqu’une voix retentissante m’arracha aux voluptés du dessert. Je ne fis qu’un bond de la salle dans le cabinet.
III
« C’est évidemment du runique, disait le professeur en fronçant le sourcil. Mais il y a un secret, et je le découvrirai, sinon… »
Un geste violent acheva sa pensée.
« Mets-toi là, ajouta-t-il en m’indiquant la table du poing, et écris. »
En un instant je fus prêt.
« Maintenant, je vais te dicter chaque lettre de notre alphabet qui correspond à l’un de ces caractères islandais. Nous verrons ce que cela donnera. Mais, par saint Michel ! garde-toi bien de te tromper ! »
La dictée commença. Je m’appliquai de mon mieux. Chaque lettre fut appelée l’une après l’autre, et forma l’incompréhensible succession des mots suivants :
m.rnlls | esreuel | seecJde |
sgtssmf | unteief | niedrke |
kt,samn | atrateS | Saodrrn |
emtnaeI | nuaect | rrilSa |
Atvaar | .nscrc | ieaabs |
ccdrmi | eeutul | frantu |
dt,iac | oseibo | KediiI |
Quand ce travail fut terminé, mon oncle prit vivement la feuille sur laquelle je venais d’écrire, et il l’examina longtemps avec attention.