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vre jusqu’au centre de la terre les traces du voyageur islandais. Il fut modeste dans sa gloire, et sa réputation s’en accrut.

Tant d’honneur devait nécessairement lui susciter des envieux. Il en eut, et comme ses théories, appuyées sur des faits certains, contredisaient les systèmes de la science sur la question du feu central, il soutint par la plume et par la parole de remarquables discussions avec les savants de tous pays.

Pour mon compte, je ne puis admettre sa théorie du refroidissement : en dépit de ce que j’ai vu, je crois et je croirai toujours à la chaleur centrale ; mais j’avoue que certaines circonstances encore mal définies peuvent modifier cette loi sous l’action de phénomènes naturels.

Au moment où ces questions étaient palpitantes, mon oncle éprouva un vrai chagrin. Hans, malgré ses instances, avait quitté Hambourg ; l’homme auquel nous devions tout ne voulut pas nous laisser lui payer notre dette. Il fut pris de la nostalgie de l’Islande.

« Farval, » dit-il un jour, et sur ce simple mot d’adieu, il partit pour Reykjawik, où il arriva heureusement.

Nous étions singulièrement attachés à notre brave chasseur d’eider ; son absence ne le fera jamais oublier de ceux auxquels il a sauvé la vie, et certainement je ne mourrai pas sans l’avoir revu une dernière fois.

Pour conclure, je dois ajouter que ce Voyage au centre de la terre fit une énorme sensation dans le monde. Il fut imprimé et traduit dans toutes les langues ; les journaux les plus accrédités s’en arrachèrent les principaux épisodes, qui furent commentés, discutés, attaqués, soutenus avec une égale conviction dans le camp des croyants et des incrédules. Chose rare ! mon oncle jouissait de son vivant de toute la gloire qu’il avait acquise, et il n’y eut pas jusqu’à M. Barnum qui ne lui proposât de « l’exhiber » à un très haut prix dans les États de l’Union.

Mais un ennui, disons même un tourment, se glissait au milieu de cette gloire. Un fait demeurait inexplicable, celui de la boussole ; or, pour un savant, pareil phénomène inexpliqué devient un supplice de l’intelligence. Eh bien ! le ciel réservait à mon oncle d’être complètement heureux.

Un jour, en rangeant une collection de minéraux dans son cabinet, j’aperçus cette fameuse boussole et je me mis à l’observer.

Depuis six mois elle était là, dans son coin, sans se douter des tracas qu’elle causait.

Tout à coup, quelle fut ma stupéfaction ! Je poussai un cri. Le professeur accourut.

« Qu’est-ce donc ? demanda-t-il.

— Cette boussole !…