Je cherchais donc une entrée en matière, pas trop brusque, quand le professeur se leva, mit son chapeau et se prépara à sortir.
Quoi ! quitter la maison, et nous enfermer encore ? Jamais.
« Mon oncle ! » dis-je.
Il ne parut pas m’entendre.
« Mon oncle Lidenbrock ? répétai-je en élevant la voix.
— Hein ? fit-il comme un homme subitement réveillé.
— Eh bien ! cette clef ?
— Quelle clef ? La clef de la porte ?
— Mais non, m’écriai-je, la clef du document ! »
Le professeur me regarda par-dessus ses lunettes ; il remarqua sans doute quelque chose d’insolite dans ma physionomie, car il me saisit vivement le bras, et, sans pouvoir parler, il m’interrogea du regard. Cependant, jamais demande ne fut formulée d’une façon plus nette.
Je remuai la tête de haut en bas.
Il secoua la sienne avec une sorte de pitié, comme s’il avait affaire à un fou.
Je fis un geste plus affirmatif.
Ses yeux brillèrent d’un vif éclat ; sa main devint menaçante.
Cette conversation muette dans ces circonstances eût intéressé le spectateur le plus indifférent. Et vraiment j’en arrivais à ne plus oser parler, tant je craignais que mon oncle ne m’étouffât dans les premiers embrassements de sa joie. Mais il devint si pressant qu’il fallut répondre.
« Oui, cette clef !… le hasard !…
— Que dis-tu ? s’écria-t-il avec une indescriptible émotion.
— Tenez, dis-je en lui présentant la feuille de papier sur laquelle j’avais écrit, lisez.
— Mais cela ne signifie rien ! répondit-il en froissant la feuille.
— Rien, en commençant à lire par le commencement, mais par la fin… »
Je n’avais pas achevé ma phrase que le professeur poussait un cri, mieux qu’un cri, un véritable rugissement ! Une révélation venait de se faire dans son esprit. Il était transfiguré.
« Ah ! ingénieux Saknussemm ! s’écria-t-il, tu avais donc d’abord écrit ta phrase à l’envers ? »
Et se précipitant sur la feuille de papier, l’œil trouble, la voix émue, il lut le document tout entier, en remontant de la dernière lettre à la première.
Il était conçu en ces termes :