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LES ANGLAIS AU POLE NORD

— Oui, monsieur Clawbonny, de ce brave officier de tant de cœur et de tant de courage !

— Et c’est ici, dites-vous, que cette catastrophe eut lieu ?

— Ici-même, sur cette partie de la côte du North-Devon ! Oh ! il y a eu dans tout cela une très-grande fatalité, et ce malheur ne serait pas arrivé, si le capitaine Pullen fût revenu plus tôt à son bord !

— Que voulez-vous dire, Johnson ?

— Écoutez-moi, monsieur Clawbonny, et vous verrez à quoi tient souvent l’existence. Vous savez que le lieutenant Bellot fit une première campagne à la recherche de Franklin, en 1850 ?

— Oui, Johnson, sur le Prince-Albert.

— Eh bien, en 1853, de retour en France, il obtint la permission d’embarquer sur le Phénix, à bord duquel je me trouvais en qualité de matelot, sous le capitaine Inglefield. Nous venions avec le Breadalbane transporter des approvisionnements à l’île Beechey.

— Ceux-là qui nous ont si malheureusement fait défaut !

— C’est cela même, monsieur Clawbonny. Nous arrivâmes à l’île Beechey au commencement d’août ; le 10 de ce mois, le capitaine Inglefield quitta le Phénix pour rejoindre le capitaine Pullen, séparé depuis un mois de son navire, le North-Star. À son retour, il comptait expédier à sir Edward Belcher, qui hivernait dans le canal de Wellington, les dépêches de l’Amirauté. Or, peu après le départ de notre capitaine, le commandant Pullen regagna son bord. Que n’y est-il revenu avant le départ du capitaine Inglefield ! Le lieutenant Bellot, craignant que l’absence de notre capitaine ne se prolongeât, et sachant que les dépêches de l’Amirauté étaient pressées, offrit de les porter lui-même. Il laissa le commandement des deux navires au capitaine Pullen, et partit le 12 août avec un traîneau et un canot en caoutchouc. Il emmenait avec lui Harvey, le quartier-maître du North-Star, trois matelots, Madden, David Hook et moi. Nous supposions que sir Edward Belcher devait se trouver aux environs du cap Beecher, au nord du canal ; nous nous dirigeâmes donc de ce côté, dans notre traîneau, en serrant de près les rivages de l’est. Le premier jour, nous campâmes à trois milles du cap Innis ; le lendemain, nous nous arrêtions sur un glaçon, à trois milles à peu près du cap Bowden. Pendant la nuit, claire d’ailleurs comme le jour, la terre étant à trois milles, le lieutenant Bellot résolut d’y aller camper ; il essaya de s’y rendre dans le canot de caoutchouc ; deux fois une violente brise du sud-est le repoussa ; à leur tour, Harvey et Madden tentèrent le passage et furent plus heureux ; ils s’étaient munis d’une corde, et ils établirent une com-