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LES ANGLAIS AU POLE NORD

propre nom, emblème touchant de l’étroite sympathie qui les unit toujours !

Le docteur fut ému de ce rapprochement, de cette union morale entre deux pointes de terre au sein de ces contrées lointaines !

Le docteur, suivant les conseils de Johnson, s’accoutumait déjà à supporter les basses températures ; il demeurait presque sans cesse sur le pont, bravant le froid, le vent et la neige. Sa constitution, bien qu’il eût un peu maigri, ne souffrait pas des atteintes de ce rude climat. D’ailleurs, il s’attendait à d’autres périls, et constatait avec gaieté même les symptômes précurseurs de l’hiver.

« Voyez, dit-il un jour à Johnson, voyez ces bandes d’oiseaux qui émigrent vers le sud ! Comme ils s’enfuient à tire-d’aile en poussant leurs cris d’adieu !

— Oui, monsieur Clawbonny, répondit Johnson ; quelque chose leur a dit qu’il fallait partir, et ils se sont mis en route.

— Plus d’un des nôtres, Johnson, serait, je crois, tenté de les imiter !

— Ce sont des cœurs faibles, monsieur Clawbonny ; que diable ! ces animaux-là n’ont pas un approvisionnement de nourriture comme nous, et il faut bien qu’ils aillent chercher leur existence ailleurs ! Mais des marins, avec un bon navire sous les pieds, doivent aller au bout du monde.

— Vous espérez donc qu’Hatteras réussira dans ses projets ?

— Il réussira, monsieur Clawbonny.

— Je le pense comme vous, Johnson, et dût-il, pour le suivre, ne conserver qu’un seul compagnon fidèle…

— Nous serions deux !

— Oui, Johnson, » répondit le docteur, en serrant la main du brave matelot.

La terre du Prince-Albert, que le Forward prolongeait en ce moment, porte aussi le nom de terre Grinnel, et bien qu’Hatteras, en haine des Yankees, n’eût jamais consenti à lui donner ce nom, c’est cependant celui sous lequel elle est le