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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

— Faites, dit Hatteras. Mais auparavant ensevelissons ces cadavres.

Les deux matelots inconnus furent replacés sous les débris de la maison de neige ; le cadavre de Simpson vint remplacer le corps d’Altamont.

Les trois voyageurs donnèrent, sous forme de prière, un dernier souvenir à leur compagnon, et, à sept heures du matin, ils reprirent leur marche vers le navire.

Deux des chiens d’attelage étant morts, Duk vint de lui-même s’offrir pour tirer le traîneau, et il le fit avec la conscience et la résolution d’un groënlandais.

Pendant vingt jours, du 31 janvier au 19 février, le retour présenta à peu près les mêmes péripéties que l’aller. Seulement, dans ce mois de février, le plus froid de l’hiver, la glace offrit partout une surface résistante ; les voyageurs souffrirent terriblement de la température, mais non des tourbillons et du vent.

Le soleil avait reparu pour la première fois depuis le 31 janvier ; chaque jour il se maintenait davantage au-dessus de l’horizon. Bell et le docteur étaient au bout de leurs forces, presque aveugles et à demi éclopés ; le charpentier ne pouvait marcher sans béquilles.

Altamont vivait toujours, mais dans un état d’insensibilité complète ; parfois on désespérait de lui, mais des soins intelligents le ramenaient à l’existence. Et cependant le brave docteur aurait eu grand besoin de se soigner lui-même, car sa santé s’en allait avec les fatigues.

Hatteras songeait au Forward, à son brick. Dans quel état allait-il le retrouver ? Que se serait-il passé à bord ? Johnson aurait-il pu résister à Shandon et aux siens ? Le froid avait été terrible. Avait-on brûlé le malheureux navire ? Ses mâts, sa carène étaient-ils respectés ?

En pensant à tout cela, Hatteras marchait en avant, comme s’il eût voulu voir son Forward de plus loin.

Le 24 février, au matin, il s’arrêta subitement. À trois cents pas devant lui, une lueur rougeâtre apparaissait, au-dessus de laquelle se balançait une immense colonne de fumée noirâtre qui se perdait dans les brumes grises du ciel !

« Cette fumée ! » s’écria-t-il.

Son cœur battit à se briser !

« Voyez ! là-bas ! cette fumée ! dit-il à ses deux compagnons, qui l’avaient rejoint. Mon navire brûle !

— Mais nous sommes encore à plus de trois milles de lui, repartit Bell. Ce ne peut être le Forward.

— Si, répondit le docteur, c’est lui ; il se produit un phénomène de mirage qui le fait paraître plus rapproché de nous.