Aller au contenu

Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

d’une idée terrible. Sa figure s’altéra, et il se sentit mordre au cœur par le serpent de la jalousie.

Un autre, un Américain, l’avait dépassé de trois degrés sur la route du pôle ! Pourquoi ? Dans quel but ?


CHAPITRE III. — DIX-SEPT JOURS DE MARCHE.

Cet incident nouveau, ces premières paroles prononcées par Altamont, avaient complètement changé la situation des naufragés ; auparavant, ils se trouvaient hors de tout secours possible, sans espoir sérieux de gagner la mer de Baffin, menacés de manquer de vivres pendant une route trop longue pour leurs corps fatigués, et maintenant, à moins de quatre cents milles[1] de leur maison de neige, un navire existait qui leur offrait de vastes ressources, et peut-être les moyens de continuer leur audacieuse marche vers le pôle. Hatteras, le docteur, Johnson, Bell, se reprirent à espérer, après avoir été si près du désespoir ; ce fut de la joie, presque du délire.

Mais les renseignements d’Altamont étaient encore incomplets, et, après quelques minutes de repos, le docteur reprit avec lui cette précieuse conversation ; il lui présenta ses questions sous une forme qui ne demandait pour toute réponse qu’un simple signe de tête, ou un mouvement des yeux.

Bientôt il sut que le Porpoise était un trois-mâts américain, de New-York, naufragé au milieu des glaces, avec des vivres et des combustibles en grande quantité ; quoique couché sur le flanc, il devait avoir résisté, et il serait possible de sauver sa cargaison.

Altamont et son équipage l’avaient abandonné depuis deux mois, emmenant la chaloupe sur un traîneau ; ils voulaient gagner le détroit de Smith, atteindre quelque baleinier, et se faire rapatrier en Amérique ; mais peu à peu les fatigues, les maladies, frappèrent ces infortunés, et ils tombèrent un à un sur la route. Enfin, le capitaine et deux matelots restèrent seuls d’un équipage de trente hommes, et si lui, Altamont, survivait, c’était véritablement par un miracle de la Providence.

Hatteras voulut savoir de l’Américain pourquoi le Porpoise se trouvait engagé sous une latitude aussi élevée.

  1. Cent soixante lieues.