Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
LE DÉSERT DE GLACE

— Sans doute, reprit le docteur ; mais ne nous pressons pas, et faisons bien les choses. À la rigueur, on peut se caser provisoirement dans le navire ; pendant ce temps, nous bâtirons une solide maison, capable de nous protéger contre le froid et les animaux. Je me charge d’en être l’architecte, et vous me verrez à l’œuvre !

— Je ne doute pas de vos talents, monsieur Clawbonny, répondit Johnson ; installons-nous ici de notre mieux, et nous ferons l’inventaire de ce que renferme ce navire ; malheureusement, je ne vois ni chaloupe, ni canot, et ces débris sont en trop mauvais état pour nous permettre de construire une embarcation.

— Qui sait ? répondit le docteur ; avec le temps et la réflexion, on fait bien des choses ; maintenant, il n’est pas question de naviguer, mais de se créer une demeure sédentaire : je propose donc de ne pas former d’autres projets et de faire chaque chose à son heure.

— Cela est sage, répondit Hatteras ; commençons par le plus pressé. »

Les trois compagnons quittèrent le navire, revinrent au traîneau et firent part de leurs idées à Bell et à l’Américain. Bell se déclara prêt à travailler ; l’Américain secoua la tête en apprenant qu’il n’y avait rien à faire de son navire ; mais, comme cette discussion eût été oiseuse en ce moment, on s’en tint au projet de se réfugier d’abord dans le Porpoise et de construire une vaste habitation sur la côte.

À quatre heures du soir, les cinq voyageurs étaient installés tant bien que mal dans le faux pont ; au moyen d’esparres et de débris de mâts, Bell avait installé un plancher à peu près horizontal ; on y plaça les couchettes durcies par la gelée, que la chaleur d’un poêle ramena bientôt à leur état naturel. Altamont, appuyé sur le docteur, put se rendre sans trop de peine au coin qui lui avait été réservé. En mettant le pied sur son navire, il laissa échapper un soupir de satisfaction qui ne parut pas de trop bon augure au maître d’équipage.

« Il se sent chez lui, pensa le vieux marin, et on dirait qu’il nous invite ! »

Le reste de la journée fut consacré au repos. Le temps menaçait de changer, sous l’influence des coups de vent de l’ouest ; le thermomètre placé à l’extérieur marqua vingt-six degrés (−32° centigr.).

En somme, le Porpoise se trouvait placé au delà du pôle du froid et sous une latitude relativement moins glaciale, quoique plus rapprochée du nord.

On acheva, ce jour-là, de manger les restes de l’ours, avec des biscuits trouvés dans la soute du navire et quelques tasses de thé ; puis la fatigue l’emporta, et chacun s’endormit d’un profond sommeil.

Le matin, Hatteras et ses compagnons se réveillèrent un peu tard. Leurs