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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

dres ; celui de 1813, dont les Français ont conservé de si terribles souvenirs ; enfin, celui de 1829, le plus précoce et le plus long des hivers du dix-neuvième siècle. Voilà pour l’Europe.

— Mais ici, au-delà du cercle polaire, quel degré la température peut-elle atteindre ? demanda Altamont.

— Ma foi, répondit le docteur, je crois que nous avons éprouvé les plus grands froids qui aient jamais été observés, puisque le thermomètre à alcool a marqué un jour soixante-douze degrés au-dessous de zéro (−58° centigr.), et, si mes souvenirs sont exacts, les plus basses températures reconnues jusqu’ici par les voyageurs arctiques ont été seulement de soixante et un degrés à l’île Melville, de soixante-cinq degrés au port Félix, et de soixante-dix degrés au Fort-Reliance (−56°,7 centigr.).

— Oui, fit Hatteras, nous avons été arrêtés par un rude hiver, et cela mal à propos !

— Vous avez été arrêtés ? dit Altamont en regardant fixement le capitaine.

— Dans notre voyage à l’ouest, se hâta de dire le docteur.

— Ainsi, dit Altamont, en reprenant la conversation, les maxima et les minima de températures supportées par l’homme ont un écart de deux cents degrés environ ?

— Oui, répondit le docteur ; un thermomètre exposé à l’air libre et abrité contre toute réverbération ne s’élève jamais à plus de cent trente-cinq degrés au-dessus de zéro (+57° centigr.), de même que par les grands froids il ne descend jamais au-dessous de soixante-douze degrés (−58° centigr.). Ainsi, mes amis, vous voyez que nous pouvons prendre nos aises.

— Mais cependant, dit Johnson, si le soleil venait à s’éteindre subitement, est-ce que la terre ne serait pas plongée dans un froid plus considérable ?

— Le soleil ne s’éteindra pas, répondit le docteur ; mais, vînt-il à s’éteindre, la température ne s’abaisserait pas vraisemblablement au-dessous du froid que je vous ai indiqué.

— Voilà qui est curieux.

— Oh ! je sais qu’autrefois on admettait des milliers de degrés pour les espaces situés en dehors de l’atmosphère ; mais, après les expériences d’un savant français, Fourrier, il a fallu en rabattre ; il a prouvé que si la terre se trouvait placée dans un milieu dénué de toute chaleur, l’intensité du froid que nous observons au pôle serait bien autrement considérable, et qu’entre la nuit et le jour il existerait de formidables différences de température ; donc, mes amis, il ne fait pas plus froid à quelques millions de lieues qu’ici même.