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Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/96

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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

Shandon se sentit débordé ; il voulut commander ; il balbutia ; il hésita ; sa pensée ne put se faire jour à travers ses paroles. Le docteur se promenait avec agitation. Johnson se croisait les bras stoïquement et se taisait.

Tout d’un coup, une voix forte, énergique, impérieuse, se fit entendre et prononça ces paroles :

« Tout le monde à son poste ! Pare à virer. »

Johnson tressaillit, et, sans s’en rendre compte, il fit rapidement tourner la roue du gouvernail.

Il était temps ; le brick, lancé à toute vitesse, allait se briser sur les murs de sa prison.

Mais, tandis que Johnson obéissait instinctivement, Shandon, Clawbonny, l’équipage, tous, jusqu’au chauffeur Waren qui abandonna ses foyers, jusqu’au noir Strong qui laissa ses fourneaux, tous se trouvèrent réunis sur le pont, et tous virent sortir de cette cabine, dont il avait seul la clef, un homme…

Cet homme, c’était le matelot Garry.

« Monsieur ! s’écria Shandon en pâlissant. Garry… vous… de quel droit commandez-vous ici ?…

— Duk ! » fit Garry en reproduisant ce sifflement qui avait tant surpris l’équipage.

Le chien, à l’appel de son vrai nom, sauta d’un bond sur la dunette et vint se coucher tranquillement au pied de son maître.

L’équipage ne disait mot. Cette clef que devait posséder seul le capitaine du Forward, ce chien envoyé par lui et qui venait pour ainsi dire constater son identité, cet accent de commandement auquel il était impossible de se méprendre, tout cela agit fortement sur l’esprit des matelots et suffit à établir l’autorité de Garry.