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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Puis se tournant vers Bernard Lautier.

— Nous aussi, nous savons porter la douleur, dit-elle. Mais nous n’acceptons pas la défaite de l’amour, nous autres. Et nous saurons le conserver en nous, meurtri et douloureux, pour l’élever encore sur le monde, comme une étoile…


XIV


À la fin de septembre, Jeanne apprenait la mort du jeune sculpteur, Benjamin Thomas, tué le 9 août, en Alsace, aux environs de Mulhouse, huit jours exactement après son départ. Cette mort la frappa douloureusement ; c’était la première victime que faisait la guerre parmi leurs relations, et elle avait une grande estime pour le jeune homme. Elle se ressouvint, avec une amère ironie, de sa confiance en une guerre courte. Elle avait été courte pour lui.

Mais ce n’était là que le signal des désastres. En novembre le frère de Louise était tué en Champagne ; et Léon l’était lui-même en Artois en mars 1915. La main inexorable s’abattait rudement sur la famille.

Maurice, lui, blessé assez grièvement à l’épaule, au début de mai, fut renvoyé dans sa famille, en juillet, avec un congé de convalescence de deux mois. À la fin de septembre il regagnait son poste. Ce second départ apparut à Jeanne plus cruel que le premier.

— Les guérir, les sauver, pour les renvoyer au carnage et à la mort, disait-elle, y a-t-il quelque chose de plus sauvagement stupide.

La veille de son départ, Maurice remit à sa femme un pli cacheté, portant cette inscription : « pour mon fils Pierre, quand il aura vingt ans. »

— Si je reviens, dit-il, je lui dirai moi-même ce que je lui dis dans cette lettre. Mais, si je ne reviens pas,