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LA NOUVELLE ÉQUIPE

de ceux qui se dressent contre la barbarie du militarisme. Mais vos scrupules à l’égard de votre mère sont aussi légitimes, et je les approuve également. Pourtant, j’estime que ce sont les mères qui doivent comprendre. La mienne, je le sens, a d’avance accepté le geste de Pierre, s’il décide un jour de faire ce que vous-même avez choisi.

— Votre frère est bien heureux d’avoir une telle maman.

— Oui. Pourtant, elle, ma mère, elle souffre. Elle ne me l’a point dit. Nous ne parlons jamais de cela. Mais je sens sa douleur.

— Les pauvres mères, soupira le jeune homme.

Un long moment, tous deux se turent. Puis, Henriette dit :

— Il serait peut-être temps de redescendre.

Son compagnon parut s’éveiller d’une sombre rêverie.

— C’est vrai, dit-il. Votre frère et votre amie doivent nous attendre. Pourtant, puisque le hasard nous a permis aujourd’hui cette heure d’intimité, je veux vous dire, Mademoiselle Henriette, combien vous m’avez fait du bien. J’ai senti tout de suite que vous me compreniez, que vous ne me blâmiez pas, et même que vous approuviez la détermination que j’ai prise. Je ne rencontre autour de moi que désapprobation. On qualifie mes pensées de folie, d’extravagance, pour le moins on dit que je manque de jugement, de raison. Chaque jour je me heurte à l’incompréhension ; je suis obligé de me justifier, de recommencer toujours les mêmes plaidoiries à l’égard de mes convictions. Si vous saviez combien c’est pénible, et douloureux à la longue. Parfois ma tête est fatiguée, je suis obsédé par tous ces raisonnements, par ces exhortations à la sagesse, par le duel entre les divers devoirs que je sens autour de moi, et je me demande avec effroi si en effet ce n’est