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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Ne descends pas, nous montons, ajoute Maurice.

Quelques instants après il étreignait silencieusement sa femme.

— Eh bien, les nouvelles ? demande-t-elle enfin.

— Mauvaises, ma chérie.

— Ah ! mon Dieu !… la guerre ?

— Non, pas encore.

— Alors quoi, s’écrie Jeanne, remarquant l’altération des traits de son mari.

Lui, un moment, garde le silence, comme oppressé, puis, d’une voix basse et brisée :

— On a assassiné Jaurès ce soir !

— Ce n’est pas vrai ! ce n’est pas vrai !

— Hélas ! c’est vrai.

Rapidement, il donne les détails du drame, le dîner au Café du Croissant, le coup de revolver de Villain.

— Mais il n’est peut-être pas mort, Maurice, s’écrie fiévreusement Jeanne, on le sauvera peut-être, dis ?

— Non ; il est mort !

C’était inexorable.

Muette, Jeanne reste écrasée. Comme son mari elle aimait et admirait le grand tribun socialiste, au verbe puissant et doux. Ainsi donc ce penseur aux accents de prophète, ce poète, cet artiste, n’était plus. Toute cette lumière était rentrée dans l’ombre.

— Non, non, ce n’est pas possible, Maurice, ce n’est pas possible, murmure-t-elle encore, l’esprit en révolte.

Et comme Maurice confirme la funèbre nouvelle, elle éclate en larmes et se jette au cou de son mari.

— Alors, vois-tu, maintenant tout est perdu. Nous aurons la guerre.

— J’en ai bien peur, dit-il, presque bas.

— Que sais-tu là-dessus ?

— Rien de précis. La Russie mobilise. On annonçait officieusement ce soir que chez nous la mobilisation serait sans doute décidée demain.