Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/363

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
357
LA NOUVELLE ÉQUIPE

La date du départ approchant, la résolution de Jean s’avéra formelle. Lorsque son père fut convaincu qu’il conserverait l’attitude prise, il se fâcha.

— Je te préviens, dit-il, que tu te débrouilleras comme tu l’entendras pendant la durée de ton service. Je ne t’enverrai pas un sou. Outre une existence plus agréable que celle qui sera la tienne, tes camarades officiers toucheront mille francs par mois. Eux, au moins, ont pensé à leurs familles.

Devant le silence obstiné de Jean, la colère le gagnant, il éclata.

— Quand je pense aux sacrifices que j’ai dû faire, moi, pour te permettre d’étudier. Sais-tu qu’il y a de jeunes officiers qui trouvent le moyen de rembourser à leurs parents, pendant leur temps de service militaire, une partie des dépenses occasionnées par leurs études.

Tout l’odieux de ces reproches avait été pour le jeune homme une blessure nouvelle. Une amertume mauvaise s’était glissée en lui.

— Les pauvres n’ont pas le droit d’être dignes, avait-il dit à Henriette, après lui avoir fait le récit de la scène. Obéir à sa conscience, c’est un luxe. Aux yeux de mon père je suis un ingrat, un fils dénaturé.

La jeune fille avait compris la souffrance qui ne s’exprimait point.

— J’espère bien, répondit-elle, que vous n’allez pas vous attarder à ces considérations misérables. Vous connaissez votre père depuis assez longtemps pour ne plus vous étonner de sa dureté qui n’est peut-être, après tout, que la surface de lui-même. Au fond, il vous aime, j’en suis sûre. S’il en était autrement, pourquoi vous aurait-il permis de vous réaliser ?

Et comme Jean se taisait.

— Voyez-vous, on ne sait jamais ce qui se passe au fond des âmes, même parfois chez les proches. Il est