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LA NOUVELLE ÉQUIPE

l’armée, tandis que nous ne serons que de la chair à mitraille.

Maurice protesta :

— Oh ! les chefs que nous serons tomberont sous la mitraille aussi bien que les autres.

— Je n’ai pas dit cela pour vous, Maurice Bournef, reprit Lorget. Mais précisément, si tous les vôtres étaient comme vous, à nos côtés, nous serions plus forts nous autres. Au lieu d’être des chefs pour la boucherie, vous devriez être les chefs de la résistance. Car la résistance aussi a besoin de chefs, et précisément c’est ce qui lui manque.

— Mais vous en avez cependant quelques-uns, des chefs. Les secrétaires de la C. G. T. et des grandes fédérations, les militants connus du syndicalisme ?

— Sans doute. Mais ceux-là n’en imposent pas au gouvernement. Bourdeau le disait tout à l’heure, si les intellectuels étaient avec nous cela ferait réfléchir.

Marcel Lenoir reprit la parole :

— Mes pauvres amis tous ces discours sont vains. Les intellectuels sont séparés du peuple par leur éducation. Même ceux qui sortent du peuple — et il y en a un certain nombre — se sont éloignés de lui. Mais tout cela est voulu, voyons.

— Ce n’est peut-être pas voulu, Lenoir, remarqua Lorget, mais c’est un fait. Ce qui unit les hommes, c’est la pensée, et les intellectuels ne pensent plus comme le peuple.

Léon Bournef les interrompit :

— Mais enfin, dit-il, vous êtes aussi des intellectuels, vous autres, qui avez pris l’habitude de penser, d’étudier, et qui donnez des directives à vos organisations.

— Aussi sommes-nous venus vers vous, Léon Bournef. Mais Lorget le disait avec raison, notre influence morale est nulle sur le gouvernement. Il sait bien que