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LA NOUVELLE ÉQUIPE

juger son œuvre. Il s’éloignait, revenait, se plaçait sur le côté, abritant ses yeux de la main pour concentrer son regard.

— Cette fois ça y est, déclara-t-il enfin.

Sur la toile l’eau semblait s’irradier sous le soleil. Une impression de lumière intense émanait de l’ensemble du tableau.

Julien Lenormand était un peintre de l’eau. Il était incapable de faire une toile avec un paysage sans eau. L’eau était son élément, sa joie ; il la traitait magnifiquement. Mais il lui fallait aussi la lumière, cette autre richesse fluide, mouvante, dispensatrice de vie, de force et de grâce. Il avait essayé quelques brumes, mais elles ne le satisfaisaient point. Il n’y était pas à l’aise. Qu’il eût à peindre un fleuve, la mer, un étang, une simple mare, il lui fallait toujours au-dessus les jeux multiples de la lumière.

— L’eau ! — la lumière ! — disait-il, deux ondes qui s’attirent.

Ayant bien contemplé son coin de Seine il repoussa le chevalet pour en attirer un autre dans l’axe du vitrage.

— Et cela, qu’est-ce ? demanda encore Jeanne.

— C’est l’étang de Hollande, à Rambouillet. Imaginez-vous que je l’ai laissé en panne depuis que je l’ai rapporté là. Il ne me plaisait point absolument. Pourtant je veux le finir. Il reste au fond très peu de chose à faire.

Puis avec mélancolie :

— Mais l’heure fuit si rapidement. Voyez, la lumière n’est déjà plus assez puissante. Je ferai cela demain.

— Demain, dit Éliane toujours enfoncée dans la vieille bergère, ce sera lundi.

Il vint vers elle, se pencha pour l’embrasser.

— Oui, ce sera lundi, et je comprends ta pensée.