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98 ESTHÉTIQUE DU RYTHME

binaire est plus simple que la ternaire (i), et nous sommes enclins à prolon- ger les sons forts (2).

§ io5. Dans le rythme subjectif, nous groupons très souvent les unités simples (F f ou FIT) en unités composées, par le renforcement d'un temps marqué sur deux ou plus rarement sur trois ; car ici encore l'alternance binaire (FfFfFfFf... ou F ffFfîF ffFff...) l'emporte sur l'alternance ter- naire (F f F f F f F f F f F f... etc.), toujours parce qu'elle est la plus simple. De la même manière, par suite aussi de la loi physiologique signalée plus haut, nous groupons d'ordinaire les mesures simples ou pieds en mesures composées ou dipodies (l^j.v./-iw-i../...,-L-^j.v^j..^...), tripodies (lvy-iwJLvy-Lw^>j-L ^•••), etc. (3). Ex. :

Yah mass scoo nah, vah mass scoo nah. Chant fuégien. (4)

§ 106. Ces mesures composées, enfin, il nous arrive très souvent de les réunir deux par deux, plus rarement trois par trois, en renforçant encore davantage l'un des temps marqués : IwJLv^-Lw-Lw, ^Ikj — wL^:., ^ — yjl-w-^1, etc. (5). Cette forme surcomposée se trouve à peu près partout: dans les mètres des Védas et dans le çlôka, dans les systèmes et les strophes des Grecs, dans les hymnes de l'église latine (6), chez les Germains, chez les Slaves, chez les Finnois, chez les Chinois, chez les Australiens, etc., etc. (7). Nous avons dans notre propre poésie une preuve

(i) V. § 56. Le rythme de tout mouvement présente d'ailleurs une alternance binaire : celui du coeur (systole, diastole), de la respiration (inspiration, expiration), de la marche (gauche, droite), de l'effort musculaire (contraction, détente), de l'ondulation des vagues (montée, des- cente), de la chute des gouttes d'eau (tintement, silence), etc., etc. Il est donc tout naturel que cette alternance binaire domine aussi dans le chant, d'autant qu'elle s'approprie en général mieux que toute autre à la marche, à la danse, à la plupart des travaux manuels.

(2) Jusqu'au xiv« siècle, la musique du moyen âge n'admettait que le rythme ternaire, appelé perfecUis, au moins la musique vocale.

(3) Dans ces mesures composées le rapport entre mesures simples est binaire (i : i). Dans

d'autres il est quinaire [3:2 ou i : — ^ cp. p. f)-, note 5 ), par exemple dans la mesure à 5/8

= 3/8 H- 2/8 (v. § g, exemple/'").

(4) « They... were continually singing, Yah mass scoo nah, yah mass scoo nah )> (Ch. ^\ ilkes. Narrative of thc United States Exploring Expédition, Philadelphie, i845, I, p. laS). La place cl la gradation des temps marqués, que l'auteur indique évidemment de travers (une barre après chaque « nah »), ressortent de la valeur des notes et de la mélodie (sol;:f solj:f la la).

(5) On trouve aussi des mesures surcomposées de genre quinaire (3: 2), par exemple 9/8 H- 6/8, 011 l'on a 9 : 6 = 3 : 2 (v. § g, exemple x' et /).

(6) Je songe surtout aux hymnes acccntuelles, aux proses.

(7) La fréquence de ce mètre, ou plutôt son universalité, ne peut s'expliquer autrement que je ne le fais ici : il ne saurait se fonder sur le rvlhme du travail, c'est-à-dire provenir d'une in- dustrie commune à tous les peuples ; les Australiens, d'ailleurs, n'en connaissent aucune. Quant à l'imitation, elle est tout aussi inadmissible. — Pour les Védas, v. Arnold, Vedic Mètre, Cam- bridge, igoS, p. i4g, i5o, i65, 170. Le dimetre, sous sa forme ancienne surtout, trahit bien un rythme ïambique.