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Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/153

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ORIGINE ET ÉVOLUTION DES METRES POÉTIQUES I^S

par la place des accents fixes. Comparez, par exemple, au rythme primitif de l'alexandrin,

X i X X j X X j- (x) , X i X X I X X .r (x) : ( i ) ,

le rvtlime de ce vers :

Le soleil le revêt d'éclatantes couleurs.

Leconte de Lisle.

Beaucoup de nos compositeurs tiennent compte de ce rythme nouveau et cherchent à faire coïncider le temps marqué avec l'accent. C'est d'ailleurs ce que recommandent les traités de musique. Nos vers sont pourtant restés syllabiques par ce fait que nous les classons d'après le nombre des syllabes : c'est que le nombre des syllabes, par suite de la place des accents fixes et de l'accentuation propre à notre langue, entraîne cer- taines combinaisons de pieds et de groupes rythmiques auxquelles nous a habitués la forme traditionnelle de chaque vers. Si un alexandrin com- mence par xx.r, je m'attends ensuite à xxa: ; après x j:, à x x x.r ; etc. Par le déplacement de l'accent fixe intérieur, le nombre de ces combinaisons a augmenté dans l'alexandrin de nos jours. Il s'est encore accru dans bien des cas par l'abandon masqué ou déclaré du svllabisme. La plupart des lecteurs et des déclamateurs, se conformant plus ou moins sous ce rapport à la prononciation actuelle de la prose, suppriment un plus ou moins grand nombre des e comptés par le poète comme svllabiques. Le syllabisme théorique disparait ainsi à chaque instant. De là à y renoncer aussi en principe, il n'y a qu'un pas. Quelques poètes l'ont franchi : leur alexan- drin libre, si l'on peut encore parler d'alexandrin, présente à tous les points de vue un nombre variable de syllabes.

Cet exemple nous montre comment un mètre peut se transformer pour ainsi dire de lui-même après s'être séparé de la musique. Il est rare que l'on en crée d'entièrement nouveaux qui soient un peu viables : on ne fait guère que modifier les anciens par des coupes, des suppressions, des addi- tions, etc.

Enfin, dès que le vers n'a plus à se terminer avec une phrase musicale, l'enjambement peut s'introduire dans la versification et altérer plus ou moins les mètres primitifs (cp. 7™ Partie, § 218, 227 et suiv.)

§ lôo. Au point de vue même de la métrique, il est intéressant de voir comment s'est développée la musique, surtout dans le chant, après que les poètes eurent cessé de composer la mélodie et l'accompagnement de leurs poèmes.

Les musiciens, à qui en revenait le soin, étaient de plus en plus invités par l'indépendance relative de la mélodie, aussi bien que par sa richesse croissante, à suivre leur propre inspiration, leur propre fantaisie, sans trop songer à 1 intonation prosaïque ou poétique des vers. Dès le v siècle

i) Pout-ètro plutôt : vj j_ w j. -j J_, (ou J_ ^) 7\, ^ L ^ — ^ J_j («u j_ ^). V. ji. 100, note a.