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Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/206

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ig6 ESTIIÉTIQUF, nu RYTHME

marquer la fin des sections rythmiques, vers et membres de phrase musi- cale. Dans les poèmes suivants la strophe de la forme aaaa s'allonge de plus en plus et elle finit par devenir la laisse de longueur variable, parfois dcmcsuiée, qui apparaît pour la première fois dans \ Alexandre d'Alberic de Besançon et surtout dans Gormund et Isenibard. De l'octosyllabe, la rime finale avait passé dans les autres vers, par exemple dans le décasyllabe informe de Sainte Eulalie. Mais nous trouvons la rime intersectionnelle dans le septénaire, sous la même forme que dans celui de Plante et d'Hilarius (cp. ^ lôy, i", à 187, b, et 188).

§ 190. L'origine de la rime dans la poésie du bas-latin et des langues romanes s'explique ainsi tout naturellement, sans qu'il soit besoin de recourir à des influences étrangères, syriaques ou celtiques (1). D'après Zeuss {Grammatica celtica, 2" éd., Berlin, 1871, p. 988), les Celtes employaient régulièrement la rime finale dans leur versification primi- tive (2) ; les Gaulois, après leur conversion au christianisme, l'auraient conservée dans leur poésie religieuse, qu'ils durent de très bonne heure composer presque uniquement en latin. Saint yVmbroise, qui était né en Gaule, la leur aurait empruntée pour ses hymnes. Ce sont là trois hypo- thèses dont il est à peu près impossible de vérifier la valeur, sauf pour la première : comme les deux grandes divisions de la famille celtique, les Gaëls et les Bretons, employaient la rime (l'assonance) à l'intérieur et à la fin du vers dans les plus vieux poèmes que nous connaissions, nous en pouvons conclure qu'elle était aussi ancienne et aussi commune chez les Celtes que l'allitération chez les Germains. L'usage de la rime chez les Bretons de France et chez ceux de Grande-Bretagne prouve qu'ils s'en servaient au commencement du v* siècle : ils ne pouvaient guère l'avoir empruntée aux hymnes latines, encore toutes récentes. Mais les Gaulois l'avaient-ils conservée en adoptant le latin ? Les exemples que Zeuss en voit chez Ausone et ailleurs paraissent au moins fort douteux. Et puis si Saint Ambroise est né en Gaule, il n'y a probablement pas été élevé (3). On trouve dans l'ancienne poésie des Bretons (gallois et armoricains), mais non chez les Irlandais, de longues tirades sur une seule rime ou plutôt sur une seule assonance. Est-ce de là que dérivent indirectement les laisses de nos chansons de geste? Cette hypothèse ne s'appuie sur rien, et elle n'est pas nécessaire. La laisse, on l'a vu, n'est sans doute que le dévelop- pement du distique ou du quatrain monorime, c'est-à-dire de l'octonaire, exactement comme le système du théâtre grec n'est que le développement du tétramètre (v. § i53); d'un côté comme de l'autre, on est arrivé à des

(i) Sailli Ephmi a iniitû la versificalion byzantine et pen-être la latine bien [vbilùt qu'il n'a exercé sur elles d'inniience (v. p. i54, note /i). Je ne m'occuperai donc ici que des Celles.

(2) Par rime il faul plutôt enicndre assonance : la rime complète csl rare au début.

(3) V. Thamin, Sainl Ambroise, p. 6. L'influence celtique se comprendrait peut-être si Saint Ambroise avait été élevé à Trêves, où il était né pendant que son père était gouverneur de la province : les Trévires de son temps, à en croire saint Jérôme, auraient encore parlé gaulois. — Galatas... propriam linguam eamdem penc habere quam Trcuiros (Saint Jérôme, Comment, in cpist. ad Galatas, L. II, cap. III ; INligne, Patrolojie latine, t. XXVI, p. 307).