Page:Vers et Prose, tome 12, décembre 1907, janvier-février 1908.djvu/109

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Tout cela qui m’échappe,
Me paraît éloigné et comme sans retour :
Les collines brunes, la mer flamboyante,
Les arbres qui bougent le long du port.
Les cloches qui sonnent par-dessus l’eau.
Et je suis déjà prêt,
Dans l’obscurité qui s’épanche menaçante,
À aller avec eux,
Seul dans le soir,
Avec ma solitude qui pèse.

Une timide mélodie
S’en vient des métairies
— Entre les collines qui, dans le soir,
D’un léger pas pénètrent —

Doucement oppressé, j’écoute
Comment dans les Ténèbres
Les enfants prient Dieu,
Pour dormir et rêver de doux rêves.


TRISTESSE DU SOIR

Tristesse du soir, ô toi luth sonore,
Âme des Ténèbres, toi confident de la jeunesse,

Tristesse vespérale, ô douleur consolante,
Doux compagnon de ma solitude.

Tristesse du soir, ô fraîcheur bruissante,
Tristesse du soir, comme je te sens !

Des lèvres enténébrées, de douceur imprégnées,
Se sont doucement penchées vers les miennes,

De douces mains avec leur tendre caresse
Effleurent mon visage et me font

Frémir plénier déjà dans la volupté en attente
Pour m’adonner à ta mélancolie.


STEFAN ZWEIG
Traduction de l’allemand par HENRI GUILBEAUX