Page:Vers et Prose, tome 9, mars-avril-mai, 1907.djvu/65

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Avoir pitié des femmes : c’est une œuvre d’homme. Car enfin l’homme doit peut-être à toutes la pitié qu’il a de sa mère : je lui ai coûté la vie : — bien des douleurs, bien des cris, bien des veilles.

Une certaine pitié, toute chaude de tendresse, et qui entoure la créature comme la terre réchauffée de Pâques embrasse les racines, il n’est rien parfois qui ranime mieux une femme dans sa misère : c’est une plante qui reprend dans la terre du cœur.

Hélène au tombeau. Profondément déçue, elle pense avec terreur à la trahison suprême de ce lit, après les autres. Et pourtant elle sourit encore.

Le grand sommeil de sous terre… Et toute cette agitation de la vermine à la surface… Et pourtant elle sourit encore. N’est-ce pas encore une vie ? Ô beauté infortunée, misérable splendeur de la chair.

Mais cela grouille aussi, en silence…, là-dessous. Quoi ? là même l’horreur ne finira pas ? La morne tempête serait perpétuelle ? Ô Hélène, vas-tu, vas-tu être aimée encore des vers ? — Et pourtant, tu souris.

La mer ne parle plus. La lune oblongue penche. L’esclave des profondeurs ramène insensiblement la lampe de mélancolie. Le calme est sur la mer. La mer couvre les rocs.


SUARÈS