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IDÉES ET DOCTRINES LITTÉRAIRES

dra faire croire que c’est manquer d’invention, que d’employer des choses surnaturelles, sans considérer que le Poëme héroïque n’est pas comme un roman, où l’on ne fait intervenir ny le ciel ny l’enfer : parce qu’il ne s’y agit que de certaines affections, dans lesquelles le ciel ny l’enfer ne s’intéressent point particulièrement, n’eslant pas choses importantes pour tout le reste du monde. J’avoue qu’il ne faut pas s’en servir trop souvent… Mais le Poëme héroïque est si noble et si relevé, qu’il doit avoir un sujet important, non seulement à toute la terre, mais encore à la gloire de Dieu ; et qui par conséquent soit conduit par l’assistance du ciel, et traversé par la malice des Démons. De sorte que le Ciel et l’Enfer sont comme des personnages du Poëme : et lors que les Démons ont fait agir leurs supposts, comme sont les enchanteurs, il faut faire intervenir le Ciel, par les personnes qu’il aime, et auxquelles il fait part de sa puissance, afin qu’il confonde les ruses des démons, et que la victoire sur l’Enfer soit attribuée à Dieu seul, et non à l’esprit du Poëte, ny à la fortune.

Desmarets, Clovis, Avis.


II. — Le merveilleux consiste dans » « l’invention » de divinités ou de personnages surnaturels qui représentent des sentiments, des idées, des vertus, des vices. Le merveilleux païen n’avait aux yeux des païens qu’une valeur allégorique ; les modernes emploieront le merveilleux de la même manière.[1]

Là, pour nous enchanter tout est mis en usage ;
Tout prend un corps, une âme, un esprit, un visage.
Chaque vertu devient une divinité :
Minerve est la prudence et Vénus la beauté.

  1. C’est la thèse même de l’Essai sur la sagesse des anciens, de François Bacon, 1610.