Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/151

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contradictions ; pourquoi tant de haine contre Dieu s’il n’existe pas ? Il y a de grands parti-pris : la foi ne s’est-elle conservée vraiment que par le fer et le feu ? Mais contradictions et parti-pris étonnent moins si l’on reconnaît que l’auteur a eu plus d’un dessein.

En même temps qu’on trouve, en effet, dans le poème les étapes d’une histoire de la croyance en Dieu, on y peut retrouver avec M. Flottes les étapes de la vie intellectuelle de Leconte de Lisle : d’abord l’époque de la foi à l’avènement prochain de l’Éden préparé par les militants des années quarante, si bien préparé qu’ils croient déjà le vivre ; puis, l’expulsion brusque hors de cet Éden par les réactions de 1849 ; alors, l’esprit de révolte contre les triomphateurs, la haine contre les prêtres, suscitée par le soupçon qu’ils ont travaillé au maintien de l’ordre établi ; l’horreur du Moyen Âge entretenu par la lecture de certains historiens ; la persistance de l’espoir qu’un enseignement dépourvu de religion restaurera un jour l’Éden.

Si le discours de Qaïn est vraiment une longue confidence, il n’y a rien de plus personnel que ce poème.

Personne, assurément ne conteste que malgré l’abondance des sources l’art y soit très original. Il suffit pour s’en convaincre de relire l’épisode final.

Quand Thagorma assiste au déluge, on voit bien, à certains détails, qu’il connaît tous les déluges célèbres : ceux d’Ovide (Met., I), de Bernardin de